lundi 15 octobre 2012

Hans-Hermann Hoppe, la chimère d’un gouvernement mondial et la faillite des démocraties



Sur L'Institut Coppet, à lire : Hans-Hermann Hoppe, extraits

DB : Qui assurerait la loi et l’ordre dans une société de ce type ? Comment fonctionnerait la justice, idéalement ?
HHH : Dans une société de droit privé, la production de la loi et de l’ordre – de la sécurité, donc – serait assurée par le même mécanisme que pour n’importe quel autre bien et service, à savoir un système de marché libre où des sociétés de sécurité entreraient en compétition pour gagner les faveurs d’une clientèle consentante. Pour comprendre comment un tel système fonctionnerait, il suffit de comparer avec l’actuel système étatique que nous connaissons bien. Si l’on devait résumer en un seul mot la différence fondamentale – et l’avantage majeur – d’un marché concurrentiel de la sécurité, ce serait celui-ci : contrat.
L’Etat agit dans un véritable vide juridique. Il n’y a aucun contrat réel entre l’Etat et ses citoyens. Ce qui doit être protégé n’est absolument pas défini contractuellement. Rien n’est formalisé à propos du service promis par l’Etat à ses citoyens, rien ne dit ce qui adviendra en cas d’échec dans la fourniture de ce service, rien ne précise le prix que les « consommateurs » d’un tel « service » devront payer. Bien au contraire, c’est l’Etat qui fixe arbitrairement les règles du jeu et qui s’arroge le droit de les modifier en cours de partie, en légiférant. Vous comprenez bien qu’un tel comportement serait inacceptable de la part d’un prestataire privé. Imaginez une seconde une entreprise de sécurité (de police, d’assurance ou d’arbitrage) qui vous propose le deal suivant : « Je ne vais rien vous garantir contractuellement. Je ne vous dirai pas ce que je m’engage à faire si, d’après vous, je ne remplis pas mes obligations. Dans tous les cas, je choisirai seul le prix que vous devrez payer pour obtenir ce service indéfini. » Un tel prestataire serait immédiatement éliminé de n’importe quel marché concurrentiel : il n’y aurait aucun client pour ce genre d’offres.
(...)
DB : Donc, vous réfutez le fait que nous ayons besoin de l’Etat pour nous défendre ?
HHH : Absolument. L’Etat ne nous défend pas, c’est même tout le contraire ; l’Etat nous agresse et utilise ce qu’il nous a confisqué par l’impôt pour se défendre lui-même. On peut définir l’Etat standard comme une agence ayant deux propriétés particulières et liées entre elles. D’une part, l’Etat exerce un monopole localisé de décision en dernier ressort. Cela signifie que l’Etat a le dernier mot dans chaque conflit qui survient sur le territoire qu’il contrôle, y compris les conflits dans lesquels lui-même et ses agents sont impliqués. On ne peut pas faire appel lorsque l’Etat décide en dernier ressort. D’autre part, l’Etat détient le monopole de la taxation sur un territoire donné. L’Etat est une organisation qui fixe de manière unilatérale le prix que doivent payer ses sujets pour les services de décideur en dernier ressort qu’il leur fournit. On peut facilement prévoir les conséquences d’un tel montage institutionnel. Premièrement, au lieu de régler les conflits, l’Etat-monopole de la décision en dernier ressort va causer et provoquer des conflits à son propre avantage. L’Etat ne protège pas la loi mais la pervertit par l’inflation législative. Contradiction numéro un : l’Etat est un protecteur de la loi qui enfreint la loi. Deuxièmement, au lieu de défendre ou protéger qui que ce soit, l’organisation qui détient le monopole de la taxation va inévitablement chercher à maximiser ses dépenses de protection tout en minimisant la production effective de protection. L’Etat se porte d’autant mieux qu’il dépense plus d’argent avec moins d’efforts. Contradiction numéro deux : l’Etat confisque les biens d’autrui qu’il est censé protéger.
(...)
DB : Comment définissez-vous la liberté ? Comme l’absence de contrainte de la part de l’Etat ?
HHH : Une société est libre dès lors que l’on reconnaît chaque personne comme le propriétaire exclusif de son corps physique (qui est un bien rare), que chacun est libre de s’approprier des biens auparavant sans propriétaire, que chacun est libre d’utiliser son corps et ses possessions pour produire ce qu’il souhaite, et que chacun est libre d’échanger contractuellement ses biens avec autrui de n’importe quelle façon jugée bénéfique par les deux parties. Tout ce qui interfère avec ces quelques règles constitue une forme d’agression. Une société est d’autant moins libre que ces attaques envers la liberté sont nombreuses.
(...)
DB : Dans notre journal, nous avons souvent rappelé que les Sept Collines de Rome étaient initialement des sociétés indépendantes, tout comme les cités italiennes de la Renaissance ou les treize colonies de la république américaine. Il semble que tous les grands Empires commencent modestement sous la forme de petites communautés, où chacun garde la possibilité, en cas d’oppression, de quitter l’une pour refaire sa vie dans celle d’à côté. Comment expliquer la pente centralisatrice des Empires ? Sur quoi repose-t-elle ?
HHH : Tout Etat commence petit. Il est effectivement assez simple de s’enfuir d’un Etat de taille réduite. Mais n’oublions pas la nature agressive des Etats, comme je l’ai déjà expliqué. Ils sous-traitent le coût de leur agression auprès des contribuables. Ils n’aiment donc pas voir des personnes productives quitter le territoire, aussi, étendre leurs frontières permet de limiter les fuites, en quelque sorte. Plus un Etat contrôle d’individus productifs, plus il a de ressources à extorquer et donc mieux il se porte. Dans ce jeu expansionniste, les Etats s’affrontent donc entre eux : sur un territoire donné, il ne peut y avoir qu’un détenteur monopolistique de la décision en dernier ressort. La compétition entre Etats est éliminatoire. Soit l’Etat A gagne et contrôle le territoire, soit c’est l’Etat B. Or, qui gagne en réalité ? Au moins à long terme, c’est l’Etat qui peut vivre au crochet de l’économie la plus productive qui l’emporte – et qui agrandit donc son territoire et ses revenus fiscaux. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, ce sont paradoxalement les Etats les plus libéraux (qui laissent donc davantage prospérer leurs citoyens) qui l’emportent sur les Etats moins libéraux, les plus tyranniques.
(...)
Mais tout Empire porte en lui les germes de sa propre destruction. Plus un Etat se rapproche de l’utopie d’un gouvernement mondial, plus il a de raisons d’abandonner son libéralisme intérieur et de suivre sa pente répressive, en exploitant sans limite les habitants productifs qui demeurent sous son autorité. La pénurie de nouveaux tributaires à exploiter et la baisse de la productivité intérieure rendent alors insolvables les politiques intérieures de l’Empire. La crise survient et la perspective d’un effondrement économique pousse à la décentralisation, incite les mouvements séparatistes et sécessionnistes, si bien que l’Empire finit par craquer. C’est ce qui est arrivé à la Grande-Bretagne, et c’est ce que nous observons aujourd’hui avec les Etats-Unis et leur Empire vacillant.

Les impôts sont-ils compatibles avec la liberté individuelle et les droits de propriété ? Y a-t-il un taux de prélèvement à partir duquel il n’y a plus de compatibilité ?
Non. Quel que soit le taux de prélèvement, les impôts ne sont jamais compatibles avec la liberté individuelle et les droits de propriété. Les impôts sont un vol. Naturellement, l’Etat, ainsi que ses agents et alliés tentent de leur mieux de dissimuler ce fait, mais cela ne peut pas être dissimulé. A l’évidence, les impôts sont tout le contraire de paiements ordinaires et volontaires en échange de biens et services : vous n’êtes pas autorisé à mettre fin à ces paiements si vous n’êtes plus satisfait du produit. Alors que vous n’êtes pas puni si vous arrêtez d’acheter des Renault ou du parfum Chanel, vous êtes envoyé en prison si vous arrêtez de payer pour les écoles ou universités publiques aussi bien que pour le faste de Monsieur Sarkozy. De même, il est impossible de considérer les impôts comme un simple loyer, à la manière de ce qu’un locataire verse à son propriétaire, parce que l’Etat français n’est pas le propriétaire de toute la France ou de tous les Français. Pour devenir le propriétaire, l’Etat français devrait être en mesure de prouver deux choses : que lui, et lui seul, possède tout centimètre carré du pays, et qu’il détient un contrat de location avec chacun des Français quant à l’usage, ainsi que le prix d’usage, de cette propriété. Aucun Etat – pas plus l’Etat français que l’Etat allemand ou l’Etat américain – ne peut prouver cela. Ils n’ont aucun document à cet effet et ils ne peuvent présenter aucun contrat de location. Il n’y a donc qu’une seule conclusion : la fiscalité, c’est le vol et le brigandage par lesquels une partie de la population, à savoir la classe dirigeante, s’enrichit au détriment du reste de la population, à savoir les gouvernés.




4 commentaires:

  1. Robert Marchenoir15 octobre 2012 à 18:47

    Voir aussi son livre "Democracy : the God that failed", non exempt de faiblesses mais tout à fait brillant.

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    1. Un chapitre, traduit en français, de ce livre, va bientôt être mis en ligne sur le site de l'Institut Coppet.
      L'institut cherche par ailleurs des traducteurs pour un ou plusieurs chapitres de ce livre: Robert, si vous êtes intéressé...

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    2. J'approuve évidement le chapitre sur les impôts.
      L'impôt renvoie à l'esclavage et l'état se fait esclavagiste quand il ponctionne à chaque instant de la vie ses citoyens.
      Mais l'impôt tue l'impôt et je suis convaincu que cette logique infernale touche à sa fin; le collapsus est proche et la révolte des cons-tribuables est pour demain.

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    3. "Mais l'impôt tue l'impôt et je suis convaincu que cette logique infernale touche à sa fin"

      D'ailleurs, l'esclavage a été abolie quand on s'est aperçu que ce n'était pas rentable, de ne pas payer les gens...

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