dimanche 7 octobre 2012

Différentes morales : la morale de l'artiste et la morale chrétienne

"... mon "message " (si vous voulez l'appeler ainsi) est profondément moral. Qu'il soit ou non "moraliste", je l'ignore. Je suis convaincue toutefois que le sens moral d'un écrivain doit coïncider avec son sens dramatique, ce qui signifie que le jugement moral se manifeste implicitement dans la vision de la réalité. Inutile de chercher midi à quatorze heures, je me situe dans l'orthodoxie chrétienne et n'ai pas d'autre point de vue. Rien ne me révolte davantage que l'idée de m'établir dans un petit univers que j'aurais choisi et à partir duquel je délivrerais quelques petits messages immoralistes. Mon oeuvre repose sur une foi solide et j'adhère à tous les dogmes chrétiens. J'ai constaté que loin de limiter ma liberté, mes convictions l'augmentent et me rendent lucide. On croit volontiers que, pour être lucide, il faut douter de tout. Peut-être est-ce vrai quand on observe des cellules avec un microscope, mais cela ne marche pas quand on écrit un roman. Pour le romancier, ne croire en rien revient à ne rien voir. Je n'écris pas pour délivrer un message et vous savez vous-même que tel n'est pas le but du romancier; mais le message que je lis dans la vie contient, pour moi, un sens moral."

(Flannery O'Connor; lettre "A Shirley Abbott", 17 mars 1956, dans "Oeuvres complètes", éd. Quarto Gallimard, p.1022)

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