samedi 25 août 2012

"La guerre est l'état naturel de l'homme"

Petit bijou trouvé chez Dantec, j'ai relu ces jours-ci Le théâtre des opérations, Journal métaphysique et polémique 1999 avec un intérêt renouvelé. Cet extrait fait directement écho à cette mienne réflexion.

"Plusieurs remarques venant de mon entourage, ou de mon lectorat, me sont faites à propos de mes livres, et surtout du dernier : en particulier le fait qu'en dépit de tous les personnages féminins qui sont au coeur des trois romans, quelque chose résiste "à la sensibilité féminine", quelque chose qui à première vue pourrait me faire douter sombrement de toute faculté personnelle à rendre sensible l'expérience de l'autre sexe. Mais en sondant plus avant le coeur de mes interlocuteurs (trices), j'en viens à trouver le petit cristal de vérité qui résiste, trop dur pour eux, pour elles, ce cristal de la violence humaine, de la guerre, de la suprématie de la technique, de l'assassinat considéré non plus comme un des beaux-arts mais comme un programme industriel quinquennal, bref ce qui résiste, c'est la du XXe siècle, à tout le moins; les femmes sont encore plus socioprogrammées qu'elles ne le veulent bien l'admettre la plupart du temps, leurs goûts intellectuels dépendent encore pour une bonne part des paradigmes usés du rationalisme égalitaire et du pacifisme humanitaire et, qu'elles le veuillent ou non, elles aussi vont devoir comprendre que le langage est une arme de destruction massive qui peut se retourner contre elle-même avec une grande facilité si l'on n'y prend garde, que la guerre est l'état naturel de l'homme, état qu'on retrouve sous toutes les formes paradoxales et "historiques" possibles dans ses cultures et ses sociétés, contre la nature, contre lui-même, contre l'ordre social, contre sa propre destinée, contre la vie qui l'a fait naître et contre Dieu lui-même, car tel fut sans doute Son dessein, et qu'enfanter des individus désarmés (sur le plan intellectuel, moral et physique) équivaut aujourd'hui à leur offrir un aller simple et direct pour la case SUICIDE, que sans doute mesdames, mesdemoiselles, bien des livres contemporains remplissent leur office en vous offrant une réplique plus ou moins bien "sentie" de vos problématiques sociales et psychologiques modernes, sexe et astrologie y compris, mais dites-moi un peu où sont dans votre bibliothèque les ouvrages permettant d'entrevoir une autre éducation, une autre entreprise morale, un ajustement métaphysique à nos nouvelles frontières et à la réalité de l'humanité de cette fin de siècle, et de millénaire? Où sont les livres qui brûlent d'eux-mêmes entre vos mains parce que leur vérité est par trop insupportable?
Pourquoi ne pas vouloir admettre à votre tour qu'on ne fait pas -comme le disait Gide- de bonne littérature avec de bons sentiments?
Ni même avec de mauvais d'ailleurs."

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