samedi 23 juin 2012

Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas

Ce qu'on voit, c'est une femme affairée, souriante souvent, inquiète toujours
Une mère penchée sur ses enfants, édifiant minutieusement sa vie et le nid,
Conciliant avec un instinct et une raison  maternels et supérieurs chaque jour
Ses désirs si futiles face au  mouvement profond de l'espèce, sa survie
Ce qu'on voit c'est une femme devenue mère un jour, un bébé dans les bras
Trouvant les gestes d'amour et de soins avec grâce et légèreté, une douceur
Évidente, une force implacable, un tourbillon d'émotions, de sens et de joies
Mais déjà se dessine dans ses traits la loi inéluctable de la mort et son épreuve.

Ce qu'on ne voit pas c'est la plaie béante à son côté gauche ouverte et sanglante,
Les côtes déchiquetées, des pics pointus  et blancs sortant des entrailles et viscères,
Le tout est tordu, mélangé et humide, on ne voit pas l'horrible peau flasque et pendante
Qui retombe mollement sur le ventre vide et abîmé, chaque mouvement écartèle
Un peu plus la plaie en courts sillons irréguliers. On ne voit rien de tout cela chez la mère
Souriante, active, heureuse et affairée... Elle travaille en gestes décidés, virevolte
En gracieux pas de danse, embrasse et respire son enfant -unique moyen prévu et offert
Pour survivre avec sa blessure originelle et jamais cicatrisée-, elle vit, elle aime, envole
Toute sa maisonnée, sa race et le monde pendant que des fleuves de sang coulent
Dans l'ombre.


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