samedi 12 mai 2012

Espoir

"Pour les besoins de la cause et un peu à la manière du film Goodbye, Lénine, imaginons un citoyen français sortant actuellement de coma au bout d'une trentaine d'année. Inutile de prendre les devants en le prévenant que "La France a changé" (la formule scandée par les bien-pensants intimant à leurs compatriotes de se résigner à la disparition de leur paysage familier...), transformée en profondeur par des flux migratoires.
(...)
Tout en mesurant la dégradation intervenue dans leurs conditions de vie quotidienne en rapport avec une certaine immigration, ce qu'ils vivent, observent, entendent ou voient relater même au travers du filtre "politiquement correct" suffit amplement à les exaspérer ou les désespérer."
(...)
Alors que la "vulgate immigrationniste" -cette "dernière utopie fataliste des bien-pensants [qui] tient lieu de pensée politiquement correcte sur la question des flux migratoires (Taguieff, 2007 : 559 et 561)- veut que l'immigration soit "un phénomène inéluctable et positif" et que les difficultés occasionnées soient dues au modèle français d'intégration et au "racisme" latent de beaucoup de français (de souche), les citoyens en colère ont une toute autre idée de la chose.
(...)
Rien, en effet et de manière plus générale, ne peut objectivement autoriser à qualifier de "xénophobe" cette interprétation du ratage d'une certaine immigration ou l'opinion selon laquelle "il y a a trop d'immigrés" ou encore le désir de revivre en paix et de voir préserver l'identité culturelle de sa patrie. La plupart des citoyens exaspérés ne rejettent nullement l'"Autre" en soi mais certains "autres", en raison de leurs comportements ancrés dans la violence ou d'hostilité aux règles de vie en Europe et non de leur "origine" ou "race".(...) Ils leur consentent volontiers des circonstances atténuantes en considérant que la responsabilité ultime des agissements de ces jeunes revient aux pouvoirs publics. Car cette vindicte citoyenne vise avant tout les gouvernants successifs et les bien-pensants qui les inspirent, coupables principaux de toutes les capitulations et forfaitures qui ont enrayé l'intégration et dont ils ne veulent plus entendre parler : la culture de l'excuse, la démission de l'école, la non-exécution des expulsions, le droit mécanique du sol, la confusion du multiracial ou du multiethnique avec un multiculturalisme "dur" méprisant pour la langue et l'histoire du pays d'accueil.
(Alain Laurent, "La société ouverte et ses nouveaux ennemis" éd. Les Belles lettres, p. 94 à 102)

MERCREDI 9 MAI 2012


En tant que mère de famille, ce témoignage de Xyr m’intéresse vivement et me rassure aussi beaucoup; malgré un laminage idéologique intense, xyr termine par « je suis un électeur du FN ».
Alors certes, m’est avis que le cheminement intellectuel doit se poursuivre, comme pour nous tous et sans doute aurons-nous d’autres histoires de CE mec, pour notre plus grand intérêt et bonheur et surtout ces histoires-là seront-elles celles d’individus de plus en plus nombreux. Elle est là, la vraie politique, la plus noble et lucide et réaliste et en acte, elle se joue au coeur de chaque personne (en particulier dans certains parcours « sans faute » digne d’éloges) et cette politique là je la comprends et j'y adhère.





Un électeur FN, normalement, c'est une personne âgée assez aisée, qui aimerait interdire le rock, la techno et toutes les musiques de "jeunes", qui vit dans un village paumé à la campagne et qui n'a jamais vu un Arabe de sa vie, une personne xénophobe pleine de préjugés qui regarde trop TF1. Ou bien c'est un pauvre gars inculte faisant partie de la frange la moins éduquée de la population, qui ne comprend pas le monde dans lequel il vit.

J'ai la vingtaine et quelques années, je vis avec à peine 500 euros par mois, j'écoute du métal et de l'électro en passant par du rap, j'ai passé tout mon secondaire dans une ZEP et j'ai habité dans une banlieue encore après mon bac, j'ai été élevé dans une gauche Canal plus et chez nous le bouton 1 de la télécommande est resté à l'état neuf. J'ai toujours eu d'excellentes notes au cours de ma scolarité, avec notamment un 20 sur 20 en histoire/géo pour mon bac blanc, et je suis des études supérieures en étant à quelques semaines d'un master avec mention Bien.

Moi, raciste ? Il y a une quinzaine d'années encore lorsque j'allais à un repas avec mes parents, et que j'entendais des convives dire qu'ils n'aimaient pas les Arabes et qu'ils votaient Le Pen, je sortais discrètement de la pièce pour aller dehors cracher sur leur bagnole. Moi, raciste ? Mes potes au collège s'appelaient Abdelkader et Saïd et je vomissais avec eux les "fachos". Moi, raciste ? Au lycée j'ai signalé à la direction, qui m'emmerdait pour des broutilles, que des élèves néonazis se pointaient avec "Mein Kampf" au bahut.

Moi, je ne suis pas dans le "champ républicain" ? Je vous emmerde, la gauche. Je vous ai appartenu corps et âme assez longtemps pour avoir le droit de le dire, haut et fort. Je n'ai aucune leçon à recevoir de vous. Entre les deux tours de 2002 j'avais 15 ans et j'ai défilé contre Jean-Marie Le Pen. Qu'est-ce qui selon vous m'a rapproché de lui un peu plus tard ? Les paroles de "division" de Nicolas Sarkozy ? Il n'existait pas à l'époque. C'est la réalité qui m'a fait voter FN quand tout dans mon éducation, mes valeurs, mes préjugés me destinait au contraire. Ce qui crée la "division" dans ce pays ce ne sont pas les paroles des politiques, ces dernières ne sont que le reflet des aspirations qui viennent de la base, ce qui crée la "division" c'est la présence de plusieurs peuples distincts sur un même territoire, à force d'immigration massive sur des dizaines d'années, démarche irresponsable dans le meilleur des cas, diabolique dans le pire des cas. Sarkozy n'a fait que récupérer la colère qui couvait, il ne l'a en rien créée. 

Le mot "racailles" Nicolas Sarkozy ne l'a pas inventé, il l'a repris de la bouche de cette dame qui lui parlait à la fenêtre, parce qu'elle vit là-bas, elle. Ça vient d'en bas, c'est clair, la gauche ? C'est un "jeune" qui vous parle, vous aimez tellement ce mot, un jeune qui constate que la "division" c'est vous qui l'avez provoquée, encouragée, en important ici des populations qui nous étaient hostiles, par souvenir de la guerre d'Algérie, en les rendant encore plus hostiles avec le mouvement "antiraciste", avec votre "marche des beurs", en les appelant à revendiquer leurs origines tout en nous contraignant à avoir honte des nôtres, en apprenant à tous que tout ce qui était "de souche" était nazi, colon, ignoble à tout point de vue, en nous effaçant littéralement de votre "diversité", vous avez créé ce racisme dont vous ne parlez jamais, pourtant largement majoritaire dans les faits : le racisme de ceux qui nous appellent "les faces de craies".

Moi, raciste ? Je vous emmerde, tellement profondément, vous ne pouvez même pas l'imaginer. Votre "multiculturalisme" je l'ai pris en pleine gueule. Vous m'avez fait croire qu'ils étaient français, ceux-là même qui m'insultaient de "sale Français" quand c'était pas "sale Blanc". Plus jeune je recevais des stylos blancos au visage, et les insultes qui allaient avec. Je ne comprenais même pas ce que ça voulait dire. Je continuais à me prendre la tête avec des potes qui connaissaient le terrain encore mieux que moi et qui me disaient "Ils nous emmerdent les Arabes", je leur répondais "Attendez on les a colonisés quand-même ! C'est normal !". Je me souviens de cette petite blonde aux yeux bleus, en 4ème, qui vivait dans la cité entourant notre collège. Je l'aimais bien et elle aussi, mais un jour elle m'avait avoué, les larmes aux yeux, qu'elle ne pourrait pas sortir avec moi, que ça serait trop mal vu ici d'être avec un Blanc. Trop risqué pour elle.

Plus tard j'ai vécu dans un de ces quartiers, dans une autre ville. Je n'avais pas encore de voiture ni de permis, trop cher pour moi, alors je devais rentrer chez moi en bus le soir, sur cette ligne hautement fréquentée par les racailles. Une nuit je rentrais avec ma petite amie et un pote, nous nous sommes faits encercler dans ce bus, ils étaient une bonne quinzaine, ils ont commencé à toucher les cheveux de ma copine en rigolant, elle bouillonnait autant que moi, mais que faire, ils étaient trop nombreux, comme toujours. Elle s'est retournée et a bougé leurs mains violemment, "hey mais tiens ta femme toi" m'a dit un des gars, le ton est monté d'un cran et ils se rapprochaient, le chauffeur voyait mais n'a rien fait, on a réussi à descendre à l'arrêt suivant, sous les insultes, forcément. Quand les portes se refermaient j'ai dit "Vous étonnez pas après qu'on vote Sarkozy !", avant que mon pote n'ajoute "Ou pire.", et je me souviens lui avoir dit "Oh arrête, faut pas exagérer non plus...". "Faut pas exagérer", putain, même après ça je ne voulais pas "exagérer".

Ma copine ne disait rien mais pleurait de colère. Quelques mois après, cette fois je n'étais pas avec elle, elle s'était fait arracher son Ipod à un arrêt de bus. Et deux ou trois jours plus tard, alors qu'on était en ville, on a croisé le voleur avec des potes à lui, une dizaine, ils sont passés devant nous et ma copine m'a dit "C'est lui" en le fixant d'un regard noir malgré ses yeux bleus. Et lui a dit à ses potes "Wesh les cousins c'est elle !" en pointant du doigt ma copine, et en riant. Ils sont passés devant nous en prenant soin de bien ralentir pour nous montrer comme ils étaient fiers de leur impunité, de notre impuissance. Encore une fois, que faire, à un contre dix, et avec sa copine. Elle était déjà allée voir les flics avant, qui avaient "noté" sa plainte, bien sûr. Elle a encore pleuré des larmes de rage, en disant entre deux sanglots "Mais bon Dieu c'est pas possible que ça existe ça, pourquoi ça existe", alors que je la prenais dans mes bras.

Je vous emmerde, la gauche. Grâce à vous j'ai dû passer ma jeunesse à accepter les agressions au faciès, à admettre les humiliations quotidiennes, à subir des situations qui font penser à certains récits de braves gens pendant l'occupation. Devoir gérer les rues que l'on va emprunter pour éviter leurs bandes, établir des diversions, être sur le qui-vive à chaque instant, se priver de sortir parfois, élaborer des parcours dans l'espoir de rentrer vivants, baisser les yeux et fermer la bouche, est-ce que ça parle à l'un d'entre vous ? Et encore, je ne parle ici que des agressions, des risques physiques, pas de tout le reste, du moins évident, de cette époque où il n'y a plus de place pour moi, pour nous. 

Moi, raciste ? Je vous emmerde de tout mon être. Je n'ai jamais eu de peurs irrationnelles, j'ai tout pesé et jugé sur le terrain. Je n'ai pas de préjugés, je n'ai que des post-jugés. Tout votre vocabulaire est à foutre aux ordures, toute votre artillerie lourde et votre chantage permanent n'ont plus aucun effet sur moi, comme sur des millions d'autres, c'est de la pluie sur un imperméable. Tout ce qui me définit aujourd'hui c'est la réalité qui me l'a appris. Je ne suis pas le fils d'Hitler mais celui des jeunesses antiracistes. Je suis le fils de votre matrice. Je suis le fruit de l'éducation nationale et de la FCPE, des cours d'éducation civique qui finissaient tard le soir, quand il faisait déjà nuit et qu'on n'était plus que 4 dans la classe car c'était ramadan. Je suis Libé et le Canard Enchaîné. Je suis de Caunes et Garcia, Nulle Part Ailleurs, Siné et le professeur Choron, Polac et Ardisson, CNN International et Jules-Édouard Moustic. Je suis une rédaction du brevet des collèges dans laquelle j'incendiais l'Etat autoritaire français qui selon moi avait tué Coluche. Je suis l'enfant de Desproges et Nina Hagen, de Robespierre et Ras l'Front. Je suis le rejeton de la culture. Je suis les Sex Pistols et The Clash, je suis Alliance Ethnik et NTM, j'ai appris à marcher dans le salon près de statuettes africaines, mon univers est coloré, je suis le mélange, fruit d'un Breton et d'une Italienne, je suis le hip hop celtique à la con de Manau. Je suis tout sauf la Tradition moisie, je suis le résultat des nouvelles technologies et de Katsumi, je suis aussi l'art et je joue de la guitare depuis mes cinq printemps, je suis le zapping, Karl Zero et les Guignols de l'Info, Jack Lang et Mitterrand. 

Vous m'avez fait, puis abandonné, je suis votre propre créature qui vous a échappé. Je suis l'archétype du garçon vif et intelligent, hostile d'instinct aux réactionnaires, je suis à mille lieues des conservateurs de tout bord et c'est précisément pour ça que je suis à mille lieues de vous, de vos slogans éculés et de vos poncifs périmés. Et je ne suis pas seul, il y a une autre jeunesse en France que vous ne voulez pas voir, qui ne vous intéresse pas, une jeunesse que vous n'excusez jamais, que vous n'écoutez jamais, que vous méprisez toujours, une jeunesse pleine d'énergie et de talent, d'envie et d'amour, une jeunesse qui ne brûle rien sinon de désir de changement, de vrai changement, elle est là dans la rue et dans les concerts, elle n'est pas honteuse elle veut simplement vivre, et vous ne la ferez plus taire avec vos mensonges et votre haine. Je suis le seul palestinien colonisé dont vous vous foutez. Je suis le seul type de Français qui n'a pas droit à votre "tolérance". Je suis celui qui fait s'effondrer toute votre propagande, vos réflexes usagés, comme le World Trade Center ou l'immeuble à la fin de Fight Club. C'est votre monde qui m'a fait, qui m'a conçu, je suis immunisé contre la culpabilité, vos anathèmes ne marchent plus. Je ne suis que la dernière conséquence de votre racisme contre tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à un Européen. Je suis une erreur dans votre système, je suis votre électeur FN. 



2 commentaires:

  1. Oui ce texte va droit au but.

    Sinon, il y a toujours "Sans patrie ni frontières" de Jan Valtin pour éviter les détours inutiles à gauche - mais la réalité contemporaine semble être devenue suffisante en elle-même.

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  2. Je me reconnais entièrement dans ce texte, puisque je viens de la même génération à peu près.
    Heureusement le rouleau-compresseur idéologique des années 1990 et 2000 n'a pas entièrement fonctionné sur nous, très tôt avec un peu d'esprit critique et de vigilance on s'est rendu compte qu'il y a avait une couille dans le système qu'on nous vendait. Et puis après on s'habitue peu à peu à ne pas être dans le camps du bien, et on se marre intérieurement de voir tout ces fanatiques religieux de la diversité essayer encore une fois de nous lobotomiser à coup fausses prières pro-libérales au service de l'immigration massive...

    ps : la rigolade est encore plus forte lorsque l'on voit un "Cercle du silence" composé uniquement de retraités croulants tout les jeudi, aucun jeune de ma génération, au moins le klaxon sert à quelque chose dans ma voiture. Merci les vieux croutons pour nous assurer un bel avenir "africanisé", c'est pas parce que vous allez crever tout seuls dans une dizaine d'années qu'il faut nous larguer toute votre merde idéologique comme ça.

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