dimanche 24 juillet 2011

De l'état de guerre, son jour a toujours été.

 "Cette demande de Salomon plut au Seigneur, qui lui dit : "Puisque c'est cela que tu as demandé... le discernement, l'art d'être attentif et de gouverner, je fais ce que tu as demandé : je te donne un cœur intelligent et sage, tel que personne n'en a eu avant toi et que personne n'en aura après toi."(Lecture du premier livre des Rois -3,5. 7-12)




Vu le film de Romain Gavras « Notre jour viendra », l’histoire d’un délire tragique d’un jeune roux et de son « mentor », roux lui aussi, joué par Vincent Cassel.

 L’idée d’une persécution des roux est très ancienne, ce qui est intéressant dans cette histoire très bien filmée (il y a de beaux plans de paysages du Nord, d’usines désaffectées, de maisons en briques rouges) c’est le rendu imperceptible et dans le même temps flagrant ou éclatant du malaise du jeune roux, persécuté dans sa propre famille, au milieu de son club de foot, partout en fait. La scène au début du film, pendant le match de foot où le héros est complètement rejeté par les membres de sa propre équipe et même frappé par cette même équipe est révélatrice du climat horrible dans lequel vit le jeune roux.
Le héros n’a pas les mots pour exprimer l’enfer qu’il vit au milieu des « siens » et il n’a sans doute pas les capacités intellectuelles (au contraire de Cassel qui est psychiatre et qui observe le drame que vivent tous ces roux). Il exprime sa frustration en se battant, en allant jusqu’à taper sur sa mère et sa sœur et finalement il va péter un câble en se mettant à tirer avec une arbalète sur tous ceux qui se mettent en travers de sa course folle : il veut rejoindre à tout prix l’Irlande, pays dont il a recueilli un dépliant publicitaire avec une photo idyllique de rouquins qui vivent entre eux…Cassel le suit dans son délire et, de profondément dépressif, devient lui aussi hargneux, agressif, violent.

Le délire, la folie est amenée chez les roux parce qu'ils éprouvent un malaise profond, ils voient, ils vivent une réalité qui semble échapper à tous. Celle d’une volonté "ethnocidaire" à leur égard. Celle d'un rejet absolu de ce qu'ils sont tout simplement. Ils en arrivent alors à s’attaquer à tous et n'importe qui parce que tout le monde est l'Ennemi, tout le monde est dans le mensonge, il n'y a qu'eux pour distinguer et surtout supporter cette terrible réalité.  Je force à peine le trait me semble t-il, de cette rage qui les prend lorsque l'Autre les regarde avec commisération, avec étonnement, avec prudence, comme s’ils étaient fous et dangereux. Ce qu’ils peuvent devenir  et deviennent à force de persécutions et frustration, à force de victimisation réelle ou supposée.

Mais la réalité est sans doute plus complexe que cela.

Les roux paraissent les victimes au départ puisque minoritaires mais il faut bien aussi observer le mépris et la haine qu’ils portent envers ceux qui les entourent, qui ne sont pas comme eux. A un moment donné, une petite gamine rousse apparaît et observe les agissements des deux lascars, et le mépris insondable qu’elle affiche envers tous ceux qui approchent les deux héros est incroyablement révélateur. Le roux se sent différent et supérieur. Le jeune roux s’invente d’ailleurs un destin messianique, certes sans doute pour reprendre confiance en lui, mais aussi certainement parce qu’il se croit mieux que les autres. Cassel le psy. est d’une arrogance absolue dans toutes les relations qu’il côtoie. Il n’y a pas dans le film forcément un « gentil » et un « méchant » mais deux protagonistes –les roux et le reste des gens-et ils ne supportent pas de vivre ensemble. Ils ne le souhaitent absolument pas ni les uns, ni les autres. Dans le film, les roux en viennent à fuir -en Irlande, terre promise, base arrière- car ils sont acculés. Ils ne peuvent plus vivre chez eux, ils sont chassés (Le jeune roux, au début du film, fuit la maison familiale où il est honni). Et ils sont voués à la disparition par leurs ennemis. L'enjeu est vital pour les deux protagonistes.

Ce qui frappe est qu’il y a une guerre. Entre les roux et le reste du monde. Et la guerre permet à chaque haine de s’exprimer, d’un côté comme de l’autre, de perdre ou de gagner des points, du terrain, une bataille. Les roux victimes se retournent dès qu’ils en ont la possibilité contre leurs ennemis ou ceux présumés comme tels c'est-à-dire tout le monde. Avec son arbalète en main, le jeune rouquin menace sadiquement un jeune couple dans un jacuzzi avec la complicité jouissive de son mentor.
Le problème, est que cette guerre est oblitérée, niée, non avouée : personne n'en parle mais la persécution existe et elle est le fait de tous les instants, du moindre geste des uns et des autres.Dès lors, en niant la réalité de la  guerre on en vient à être stupéfait par la violence de certains comportements.C'est l'incompréhension qui prime lorsque des actes violents ou agressifs sont menés par une partie ou l'autre. L’étonnement sans borne des gens confrontés aux deux héros est risible ; la scène où les invités d’un mariage qui sortent de la messe et se font agresser par nos deux lascars qui les obligent à se rouler une pelle entre hommes est très drôle.

Cette violence ou haine qui s’exprime de façon complètement désinhibée et surtout dans une pagaille sans nom, dans une folie absolue dans le film est un excellent reflet de ce qui se passe aujourd’hui : cette violence délirante  et la stupéfaction qui en découle, sont le fruit de la négation du fait qu’il y a une guerre en cours. C’est xyr, qui, dans son excellent article Die Welle, l’explique le mieux à mon sens : " Il y aura demain des centaines, des milliers d'Anders Behring Breivik. (…) Et la guerre c'est un temps idéal pour ceux qui sont nés avec l'âme d'un  nazi, ou d'un taliban. Et même s'ils sont ultra-minoritaires, ils  subsistent un peu partout sur le continent. Sans compter ceux qui  viennent d'ailleurs et qu'on invite à entrer."

 Effectivement, la guerre larvée, souterraine, idéologique et physique est commencée depuis toujours, effectivement, « Depuis la fin de cette guerre, des gens se sont obstinés à détruire l'Europe blanche de l'intérieur. » et effectivement les signes de plus en plus visibles de cette guerre vont apparaître. Dans les deux camps. Mais ces signes ne seront pas contrôlés par le biais d’armées disciplinées, des soldats obéissants à des ordres intransigeants, de soldats bridés dans leurs instincts de violence, d'hommes véritables animés par un  vrai esprit de paix et de sagesse...Ces signes ne seront pas contenus dans le cadre de lois justes et fermes qui tiennent compte de la réalité des faits, de la nature pécheresse de l'homme, de l'agencement des nations, des différences intrinsèques entre les cultures et les civilisations.

Non, ces signes sont et seront le fruit d’un aveuglement permanent, puisqu'on nie le simple fait qu'il y ait une guerre... et que l'on prône à tout va et de façon criminelle le "vivre ensemble" impossible... Donc ces signes seront le fait de fous ou des monstres sans morale, sans raison, sans honneur, sans foi ni loi lâchés en pleine nature . Et il n'y aura aucune préparation face à ce déferlement, aucune vigilance, les innocents tomberont des deux côtés. Parfois un peu plus victimes, morts, parfois un peu moins victimes, avec un peu de chance...
« Tout va bien » ironiserait  Dantec.

1 commentaire:

  1. Au commencement était la chair .
    Ce qui est intéressant , c'est que vous ne cherchez pas à en tirer un morale ou une fin préécrite , la logique vitaliste et la Chrétienne se rejoignent ici parfaitement . La guerre est une réalité biologique , les civilisations l'ont intégrée et en on fait un statut diplomatique . Une civilisation , une societé devient elle-même un organisme en lutte avec l'extérieur . Quand la guerre cesse , elle devient intérieure . Les états-nations sont morts , les religions d'états sont mortes . L'homme est face à lui-même , face à Dieu , face à toute la complexité de la vie et de la chair .
    Et c'est ici que la civilisation Chrétienne prend l'avantage . Nombre d'idéologies , religions , ont vues la guerre comme un moyen , un dernier coup de balai avant la paix perpétuelle , là ou la Chrétienté l'a intégrée , la guerre fait partie de la vie , du monde , l'homme est divisé , déchu , prisonnier de sa condition .
    Ce qui est paradoxal , c'est que c'est quand on ne prononce plus le nom de Dieu qu'il a toute sa place . Quand les societés ne sont plus organisées autour de l'Eglise que les hommes intègrent Dieu .
    Tout cela nous amène à la réconciliation de Rome et d'Athènes , de Béthléem et de Rocken , à la fin des societés et à la naissance de l'homme , comment être pessimiste ? La terre en tant qu'arêne , réalité biologique , scientifique , divine . Victimisation , paix , guerre , amour , haine , ce ne sont que des stratégies de domination . Nous n'avons plus le choix , avancer ou disparaître .

    RépondreSupprimer