dimanche 15 mai 2011

L'art de la nouvelle", par Flannery O'Connor (2ème partie)

"Peut-être la question décisive est-elle de savoir ce que nous entendons par bref. Qu'une nouvelle soit brève n'implique pas qu'elle soit superficielle. Une nouvelle doit être longue en profondeur, elle doit nous communiquer une expérience significative.
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Qu'une nouvelle ait du sens est ce qui l'empêche d'être brève. Je préfère parler du sens d'une histoire plutôt que de son thème.
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Dès lors qu'on est en mesure d'expliciter le thème d'une nouvelle, de le dissocier du récit, on peut être sûr qu'elle n'est pas bonne. Le sens d'un récit doit faire corps avec la matière romanesque, elle doit être concrétisée par elle. Un récit est une façon de dire ce qui ne peut se dire autrement, et chaque mot dont il est fait est nécessaire pour exprimer le sens.
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L'art romanesque requiert la plus extrême attention au réel -que ce soit une œuvre naturaliste ou de la fantasy. Il part toujours de ce qui est, ou sinon, de ce qui présente un puissant caractère de vérité. La réalité, même dans une oeuvre d'imagination, est l'unique fondement qui convienne.Une chose est fantastique parce qu'elle est réelle, si réelle qu'elle en est fantastique.
(...)
"La Métamorphose" de Kafka est exemplaire de ce point de vue là. C'est l'histoire d'un homme qui se réveille un matin transformé en insecte géant, sans avoir rien perdu de sa nature humaine.(...) Le fait est que dans cette histoire, la double nature de l'homme est décrite avec tant de réalisme qu'elle devient presque insoutenable. La vérité, ici, n'est nullement déformée, disons plutôt que l'usage d'une certaine distorsion permet d'atteindre la vérité. Si l'on admet, et il le faut, que le monde des apparences n'est pas le monde réel, il faut accorder à l'artiste de procéder à certains arrangements de la nature si ceux-ci conduisent à une vision plus approfondie. De son côté, l'artiste ne doit jamais oublier que ce dont il s'carte est la nature, et qu'il faut d'abord la connaître et pouvoir la décrire avec précision s'il veut avoir autorité pour s'en écarter.
Le problème propre au nouvelliste est de savoir comment présenter l'action pour qu'elle révèle au mieux le mystère de la vie."

2 commentaires:

  1. PDLL
    Tout à fait . Un peu comme la haine de soral envers Dantec . Des types obsédés par le réel en vienne à mépriser la science-fiction , alors que l'ajout d'un brin de fantastique permet surtout d'explorer l'âme humaine , de la faire passer à un plan supérieur .
    Voyez l'héroic-fantasy : Certain n'accrocherons pas , pas assez ancré dans le réel , d'autres verront dans les orcs , les elfes ou les nains une incarnation de certains penchants , vices et vertus humaines .

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  2. Oui, la littérature permet tout cela et bien d'autres choses encore; Soral c'est un peu l'archétype de ce que dit O'Connor dans la première partie :
    "Bien sûr, l'habileté à créer de la vie avec des mots est essentiellement un don.... Je me suis aperçue que ce sont ceux qui ne l'ont pas qui sont possédés par le démon de la littérature."
    D'où sa haine de ce qui ont le talent en question.

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