jeudi 17 février 2011

Conversation


"…. et  pour l'artiste, toutes les choses sont pures." Henry James

"Le fond n'a strictement aucune importance. Seule compte la forme. La forme ne détermine pas plus le fond qu'elle ne le soutient ou qu'elle le sert, elle EST le fond."
"Ce que Céline a voulu vous dire, c'est qu'il ne vous appartient ni de déterminer ni d'exprimer le fond, qu'il inutile de s'en soucier, et que la petite musique vous le livrera." XP
   
Le roman qui ne découvre pas une
portion jusqu'alors inconnue de l'existence est immoral. La connaissance
est la seule morale du roman."
Kundera, "L'art du roman"

Je vois presque comme le geste de notre
 temps l'homme tenant un livre entre ses mains, comme l'homme
agenouillé, les mains jointes, fut le geste d'un autre temps.
(Hugo von Hofmannsthal, "Le poète et l'époque présente")
 
"Esseulé, tu n'es cependant pas seul. Quand tu avances, la Bibliothèque marche avec toi."(Christophe van Rossom, "Savoir de guerre")  


"Hawthorne leva la tête pour la dévisager. Il avait une expression presque féroce.

-Cela veut dire, n'est-ce pas, que mon livre est vrai?

-Oui, dit-elle.

-L'Allemagne et le Japon ont perdu la guerre? dit-il, fou de colère.

-Oui.

Alors, Hawthorne referma les deux volumes et se leva sans rien dire.

-Et même vous, vous ne regardez pas les choses en face, dit Juliana." (Le Maître du haut Château de Philip K. Dick.)


 
Conversation :

XP :

"-Je suis en train de relire Cioran, et je gamberge sur notre conversation de ce matin.... Tu parlais du bon sens. Mais si un Soral est imperméable à la littérature et la métaphysique, c'est qu'il en a trop, du bon sens, justement! Et ce qu'il déteste chez les juifs, c'est justement ce manque volontaire de bon sens.

Par exemple, quand on dit "la philosophie n'apporte aucune réponse, mais uniquement des questions", quand Roth écrit que la littérature ne doit servir aucune idée, aucun combat, c'est un manque de "bon sens" évident".
Et d'ailleurs, la religion musulmane se distingue du christianisme par le bon sens et la rationalité! La Trinité? Tordu! Un Dieu dont chaque seconde est à lui mais dont le royaume n'est pas de ce monde? Tordu, irrationnel, insulte au bon sens!

 Le libéralisme, la main invisible,  l'absence de plan, la spéculation? Irrationnel, manque de bon sens total. La finance islamique, l'interdiction de l'usure? Du bon sens! Les prévisions écologistes? Il faudrait quatre planètes pour avoir assez de matières premières et consommer cinquante ans comme on le fait? Du bon
sens! Les anti écolos leur répondent "qu'on trouvera autre chose, qu'il faut faire confiance à l'homme"? Irrationnel, insulte au bon sens!"


La crevette :

"-Ah c'est vrai... Tu remets tout en question du coup. Zut. Mon idée de bon sens ne marche plus du tout.

Disons que philosophie et littérature, toutes irrationnelles qu'elles apparaissent se plient en fait à des formes de raisons très différentes mais très essentielles. Chacune de ces disciplines suit en fait un chemin très rigoureux. Tu ne peux pas dire que ce sont des chemins irrationnels. Je pense au contraire que c'est très rationnel, très scientifique dans les deux cas. La poésie est vraiment une source de connaissance au même titre que la philosophie ou les mathématiques. Simplement on fait appel à des formes différentes de la raison.

Je pense que l'on peut suivre, pour certains, un chemin de philosophie, d'argumentation, d'autres se meuvent sans souci sur une route littéraire, la plupart des gens s'en tiennent à l'entrée de la forêt et n'empruntent aucun des deux sentiers. Ils n'ont pas tout simplement les capacités.

Il n'en demeure pas moins que tout le monde possède normalement ce que l'on appelle communément du bon sens ou le sens commun. Lorsque ce dernier se targue d'être l'unique voie de connaissance, c'est peut-être là que ça foire.


Maintenant, aujourd'hui, même ce sens commun a disparu : on le voit bien dans l'éducation des enfants par exemple, où les parents font n'importe quoi! Le simple fait de dire à un enfant : "termine ton assiette" ne coule plus de source. Il n'y a plus de bon sens du tout.

C'est là qu'intervient l'idée du Sorpasso de son Faux-Bien.* C'est le Bien lui-même qui est déformé, perverti, pas le Mal.  D'où la perte de repères des gens, la perte de bon sens. Le Bien n'est plus le Bien. Et nous nous mouvons dans une réalité confuso-onirique comme il dit qui nous leurre en permanence sur la réalité vraie.

Alors je pense que ce Bien (lié au Vrai) on peut le retrouver par la voie de la poésie; c'est elle qui, si certains qui sont doués, qui ont reçu ce talent, se plient à son écoute, à l'écoute d'une mélodie très secrète et très cachée qui demande des oreilles particulières, et s'ils la restituent au mieux de leur art, c'est elle et elle seulement qui peut nous faire éclater cette fausse bulle de Bien.

Je pense plus à la force de la littérature qui comme le dit Roth ne dépend de rien (aucune idée aucun combat) qu'à la philosophie qui dépend, qui a pour matière les idées (et donc des fausses idées aussi)."




*« N’ayant pas compris qu’une civilisation n’existe que par la coexistence du Bien et du Mal, et les valeurs qui s’en dégagent, ils ne risquent pas de saisir que la violence nihiliste dite des banlieues n’est que la compensation de ce discours lisse et onirique d’un monde privé du péché originel et de tout ce qu’il suppose dans la construction d’un individu. »

1 commentaire:

  1. P.D.L.L.
    Lancez un caillou en l'air , il retombera .
    Lancez milles cailloux au même endroit , il y en aura un qui sera forcément au dessus des autres , mais on ne sais jamais lequel .
    Ce que souhaite un soral , c'est faire de ces cailloux des briques , et les assembler lui-même , il a le plan pour la bonne marche du
    monde .
    Le bon-sens , c'est la pesanteur . Oui , elle est lourde . Elle nous rammène à terre en permanence . Mais il y a un temps pour la terre , et un pour les cieux , non ?
    "à chaque chose sa saison , et à toute affaire sous les cieux , son temps ."

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