lundi 4 octobre 2010

Grands Hommes et petites contrariétés.

"- ... Cela dit, puisque nous sommes dans une conversation privée, je suis convaincu que notre administration court un danger bien plus grand avec la corruption. Je suis très amer d'avoir nommé à des postes de responsabilité des hommes en qui j'avais toute confiance depuis des années et de les voir, aussitôt installés, se comporter comme des briseurs de vitrine qui n'ont que quelques minutes pour dévaliser une boutique avant l'arrivée de la police. Ceux qui n'ont pas installé de systèmes de pots-de-vin aussi rodés que des péages d'autoroute profitent de leur autorité pour ne pas payer leurs impôts et aider leurs amis à en faire autant.
- Même le Christ fut trahi par un de ses disciples, monsieur le Président.
- Pardonnez-moi de vous corriger, monsieur Hoover, Jésus a été trahi par Judas mais aussi par Thomas et Pierre qui ont nié le connaître et Pierre par trois fois.
- Je suis un peu étonné de cela. Vous savez peut-être, monsieur le Président, que je me destinais au ministère presbytérien avant d'entrer dans la police et que je suis à peu près certain que...
- J'ai moi-même une bonne connaissance de la Bible dont je suis assez fier, et je suis formel sur ce point. Si toutefois vous doutiez encore que j'aie raison, vous devriez ouvrir une enquête et mettre quelques agents spéciaux sur le coup.
(...)
- Donc vous déclinez mon offre.
- J'en ai bien peur, monsieur le Président.
- Très bien restons-en là pour le moment. Mais n'oubliez pas votre enquête!
- Mon enquête?
- Oui, l'enquête du FBI sur Jésus-Christ!

Je ne donnais pas cher de notre peau lorsque Edgar [Hoover] fut convoqué par Truman. (...) Je pensais, à voir la contrariété qui barrait le visage d'Edgar que le pire était arrivé. Il s'est assis en face de moi sans dire un mot, en état de décantation. J'ai osé :
- Des problèmes?
Il m'a regardé avec un visage fermé, le regard vague et bas :
- Non, des contrariétés.
- Nous sommes virés?
- Non, il me propose d'être ministre de la Justice.
- Et alors?
- J'ai refusé. Qu'est-ce qu'il croit? Il me prend pour un enfant de choeur. Il veut que je fasse le ménage pour me mettre tout le monde à dos, pour ensuite me faire virer à la prochaine élection. Si nous devions accéder au ministère de la Justice, je préférerais que cela se passe dans d'autres conditions. Enfin...
- C'est plutôt positif tout de même, non?
- Non, ce salopard s'est permis de me contester un point d'histoire biblique et c'est ça qui me contrarie.
Il s'est levé, a ouvert la porte de mon bureau et s'est mis à crier :
- Appelez-moi Sullivan, je veux lui confier une enquête sur Jésus-Christ."

Extrait de "La malédiction d'Edgar", de Marc Dugain

4 commentaires:

  1. On aurait en effet sacrément besoin de mener une enquête sur cet agitateur palestinien des temps obscures. Mais à confier à quelle officine sérieuse, grand Dieu ? La Crevette ? Non, monsieur le ¨Président. Marianne, et même Télérama, vont nous sortir une sordide histoire de conflit d'intérêt...^^

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  2. Ah Plouc! Je m'amuse beaucoup avec ce roman excellent. Et ce passage est vraiment drôle.
    Mon enquête personnelle sur JC dure depuis un moment déjà mais j'ai du mal à cerner l'infini qu'Il représente!^^

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  3. Il faut confier l'enquête au père Brown!

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