mercredi 25 mai 2011

Je n'ai rien à perdre (ancien message du mois d'Août dernier; republication)

"Je pense que l'océan prend pour moi toute sa signification les jours de pluie, quand l'eau et le ciel sont gris. Il y a une plage en bas de la falaise et le gris des flots tranche sur l'ocre jaune du sable. Et les oiseaux blancs dans les cieux gris! Les battements de mon coeur s'accélèrent quand, ici dans ma cellule, j'évoque ce merveilleux spectacle. Mais il est triste aussi, comme le cheval avec le chapeau de paille dans le vieux film, comme King Kong qui tombe, si lentement, si doucement, si inéluctablement, et comme les mots que, maintenant, je dis à voix haute : "Seul l'oiseau moqueur siffle à l'orée du bois." Et comme le souvenir de Mary Lou, assise par terre, jambes croisées, les yeux baissés sur son livre.
Tristesse. Tristesse. Mais je vais m'emparer de cette tristesse et l'intégrer à cette existence que je suis en train de mémoriser.
Je n'ai rien à perdre."
(Walter Tevis, "L'oiseau d'Amérique")


Quelques jours avant la rentrée scolaire. J’ai attrapé une contracture au cou, en l’espace d’une minute, à force de cogiter et de stresser pour trente-six choses à la fois. Me balade avec un foulard blanc parce que les comprimés ne sont d’aucun effet si ce n’est de m’abrutir ce que je ne supporte pas. La maison ne désemplit pas, il y a des jours où je me retrouve avec douze ou quatorze enfants puis le lendemain quatre ou cinq… Hier, je raccompagne en bétaillère deux petites amies de ma fille, 13-14 ans. Je mets Dire Straits en voiture, elles m’expliquent qu’elles ne connaissent pas. Ne pas connaître Dire Straits ! C’est comme ignorer la lecture me semble t-il… Je leur passe Brothers in arms mais surtout Telegraph road que j’avais écouté et déchiffré avec une prof d’anglais, je ne sais plus en quelle classe… Je conduis lentement pour qu’elles puissent apprécier la musique jusqu’au bout. Elles me saluent poliment à la fin de la route, descendent et s’en vont. Je reprends la route au bout d’un moment, après les avoir observé s’éloigner. Je voudrais que ces instants soient goûtés, précieusement, par ces enfants. Qu’ils aient à cœur de parsemer leur existence de moments « rares » et inoubliables. « Mémoriser » dit Walter Tevis dans son roman de science-fiction, "L’oiseau d’Amérique" où les hommes, drogués, sont réduits à l’état de morts-vivants, incapables de lire et d’éprouver des émotions.
Un morceau de musique, un beau paysage peuvent parfois suffire à retourner une âme, j’en suis convaincue. Deux airs, par exemple, suffisent à me faire éprouver de puissantes émotions. L’air et les paroles de « Hold on (our love is changing) » des Crusaders * et les premières notes de Love over gold de Dire Straits .
La difficulté est d’accompagner par la suite ce premier mouvement, ce retournement… Dans Walter Tevis, Paul Bentley, le héros, apprend à lire et doit peu à peu faire face à des questionnements et à des émotions. Il réapprend donc à souffrir, physiquement et moralement. Et cet apprentissage, bien des fois, il préférerait le rejeter et retrouver sa vie d’avant, son état de zombie. Reprendre ses drogues qui le réduisaient quasiment à un état végétatif. La vraie réalité lui pèse horriblement. Devenir un homme véritable n’est pas une sinécure… Il dit à un moment : «… je vais m'emparer de cette tristesse et l'intégrer à cette existence… » et je crois que c’est exactement cela, être un homme, c’est s’emparer de nos douleurs et les intégrer à nos existences, y faire face du mieux que nous pouvons.



* Je crois que cet air  chanté par BB King, Hold on, est celui que je préfère, avec ses paroles, toutes musiques confondues.


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14 commentaires:

  1. Tiens, à propos de Dire Straits, il m'est arrivé une fois, au début des années 80, de déjeuner avec Marc Trucmuche, le leader de ce groupe, et de n'apprendre qu'à la fin qu'il s'agissait d'un type très connu (mais pas de moi). Il faut dire que, comme la conversation se déroulait en anglais, je ne m'étais pas montré très participatif.

    Une autre fois, à la même période, sortant de boîte vers six heures du matin (je vous laisse imaginer dans quel état...), les amis avec qui j'étais et moi avons décidé d'aller manger dans un restaurant des Halles (chez Vattier, qui n'existe plus). Nous sommes rejoint par un autre groupe que je ne connaissais pas et nous faisons tablée commune. C'est seulement le lendemain que, dessaoulé, j'ai appris que j'avais dévoré un petit salé aux lentilles à la gauche de Pauline Laffont, à qui je n'ai absolument pas adressé la parole une seule fois.

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  2. Rhaa, déjeuner avec Marc Knophler et l'ignorer!!!!!!!!!

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  3. Pour une fois que vous roulez lentement...

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  4. Oui, parce que Telegraph Road, c'est assez long et je voulais que les petites l'écoutent jusqu'au bout! J'ai du drôlement me gendarmer, Catherine, qu'est-ce que je ferais pas pour Dire Straits! Je m'épate moi-même!^^

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  5. "Rhaa, déjeuner avec Marc Knophler et l'ignorer!!!!!!!!!"

    Rhaa, déjeuner avec Pauline Laffont et l'ignorer !!!!!!!!!

    http://www.nudestars.biz/photos/plaffont/Pauline-Laffont-Nudestars.biz-6.jpg


    http://www.francecaptures.net/portail/photos/Pauline_Lafont.jpg

    ^^

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  6. Mouais, je vais ignorer complètement et avec toute ma dignité de crevette cette scandaleuse Pauline.Non mais.
    ^^

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  7. Qui c'est Pauline Lafont ?

    (c'est pour ça que je suis plouc...)

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  8. Et bien pour tout vous dire, Plouc, nous sommes deux ploucs parce que j'ignorais tout de cette dame avant aujourd'hui... En cliquant sur Wiki, j'ai lu qu'elle avait été actrice mais surtout qu'elle est décédée en tombant dans un à-pic dans les Cévennes!
    Wiki précise : "Pauline Lafont est connue pour sa plastique généreuse et ses formes voluptueuses", ce qui explique l'émoi de Nebo qui confirme par ailleurs avec ses liens hum hum la volupté des formes de ladite généreuse Pauline.
    Je crois que j'ai dit l'essentiel?

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  9. C'est une comédienne qui n'a pas eu le temps de prendre de l'ampleur. C'est une histoire triste. Et c'est la fille de Bernadette... ^^

    Pauline Lafont est connue pour sa plastique généreuse et ses formes voluptueuses... c'est réducteur... bien que ce soit vrai. ^^

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  10. C'était aussi la fille de Bernadette Lafont.

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  11. Merci de nous faire partager cette jolie séquence nostalgie.

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  12. Connaissez-vous les albums que Mark Knopler a enregistrés depuis?
    Il nous accompagne souvent dans nos couchers de soleil (Dire Straits aussi bien sûr, entre autre plein d'excellents).
    C'est notre feuilleton du soir le coucher de soleil, ça vaut largement la télévision^^
    Et quand les enfants sont là ce sont eux qui prennent la relève (mandoline, banjo, guitare électrique, guitare classique et même flûte traversière). Je crois qu'ils ont réussi tout comme nous à bénéficier de beaucoup de moments tel que vous le décrivez :-)
    Mark Knopler vu en concert aux USA (Atlanta) il y a 3 ans environ. Magnifique bien sûr et le spectacle était aussi dans la salle en plein air. Des gradins avec beaucoup de place pour les pieds et même de quoi permettre aux gens de se déplacer entre chaque rang plus la place pour que les spectateurs puissent installer une petite table devant eux afin de se sustenter avec ce qu'ils avaient amené avec eux. Glacière, table afin de poser les assiettes et couverts, les verres à pied pour boire le vin, jusqu'au bouquet de fleurs dans un vase pour agrémenter. Un grand grand moment! Ah ces américains ^^
    Sylvie

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  13. Golden Heart, je connais Sylvie, depuis peu... J'ai du mettre d'ailleurs un extrait sous un texte mais je ne sais plus où.
    Vos enfants sont musiciens? Merveille! Je n'ai pas d'enfant qui joue d'un instrument (trop cher par ici les cours + le solfège) mais j'en ai quelques uns qui chantent (ou chantaient ou chanteront).
    Chez nous, la musique s'écoute essentiellement en voiture (avec les beaux paysages qui vont avec).

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