mercredi 4 août 2010

Nos sources sacrées


Demain, nouveau départ pour cinq jours dans le Sud Ouest. Cette fois avec mon mari, ce qui signifie que je vais pouvoir lire en bétaillère lorsqu'il conduira. J'emporte La Source sacrée de Henry James, petit roman absolument incroyable : c'est l'histoire de deux personnages, une femme et un homme (jusque là, vous allez me dire que c'est plutôt banal mais la banalité c'est le fond de commerce de James, et vous allez voir qu'il possède un don pour tirer de l'extraordinaire de l'ordinaire) : la femme, mariée à un homme plus jeune qu'elle, au fur et à mesure des années qui passent, embellit pendant que son mari vieillit rapidement. Comme si la source de vie, de jeunesse de l'homme se transmettait à la femme. En ce qui concerne l'autre héros de l'histoire, un homme, ce dernier qui était un imbécile fini devient de plus en plus intelligent au contact d'une femme et le narrateur décide de trouver qui est sa muse. Celle-ci doit nécessairement être la plus intelligente de toutes les femmes rencontrées dans une partie de campagne pour transférer ses qualités à son amant. Vous suivez?
Voilà, j'en suis à la moitié et le mystère est total. Deux heures d'autoroute demain viendront à bout du secret de la Source sacrée. Après, ce sera sans doute un rafale de questions à mon cher et tendre, qui, habitué et solide, répondra ou ne répondra pas et son silence (ironique souvent mais jamais cynique) sera aussi une réponse.

 Je voulais, avant de partir, signaler quelques pistes de lecture sur le net; tout est un peu confus, dans le désordre, j'aurais voulu trouver un fil directeur à toutes ces pistes mais je ne suis pas sûre d'y réussir.
Tout d'abord, ça n'est pas de la lecture mais une vidéo-entretien avec Dantec sur son dernier roman Métacortex (que je n'ai toujours pas lu et je ne suis pas sûre d'y parvenir un jour mais ça viendra quand ça viendra.) Cartographie des profondeurs ; passionnant comme toujours.
Il y a un passage dans la vidéo Dantec très intéressant sur le thème de la gémellité,  récurrent chez Dantec, en particulier dans Babylon Babies qui est un des romans que j'ai bien lu avec Villa Vortex et Grande Jonction. Dans la vidéo, Dantec explique que la dualité "appelle" un troisième terme. Et il est vrai que l'on remarque une incomplétude chez les jumeaux. La dualité, la dialectique ne se suffit pas, ne résout pas.
Ce thème m'intéresse directement à cause de mes jumeaux dont c'est l'anniversaire des 7 ans demain, l'âge de raison. En écoutant la réflexion de Dantec à propos du principe de dualité, j'ai essayé d'incarner le propos dans ce que j'avais observé chez mes petits.
Récemment, nous avons un couple d'amis et leur fils aîné de 6ans, légèrement autiste, qui sont venus à la maison. C'était très sympa et étrange parce que les jumeaux l'ont "encadré" toute la journée, ils avaient toujours un œil sur lui et à trois, ils ont formé une petite entité vraiment cohérente. ça occupait les miens, ce petit garçon, et lui, le petit, était ravi d'avoir deux camarades de jeu qui, comme ils sont deux, il y en avait  toujours un de présent à ses côtés.
ça a refait la même chose avec un autre petit garçon de deux ans de nos amis dont je suis la marraine : les deux jumeaux se sont accaparés le bébé de deux ans et on ne les a pas vu de la soirée. C'est très amusant à observer :  ça les passionne, Basile et Grégoire, littéralement, un troisième enfant qui n'est pas eux, en quelque sorte, et qui "ouvre" la fusion à deux.

La dualité, la dialectique ne se suffit pas, ne résout pas.... On peut faire le même parallèle dans le mariage qui nécessite une ouverture aux autres pour s'étayer; la logique basique pense évidemment à l'ouverture à la vie, aux enfants mais cette ouverture peut prendre parfois des formes inattendues.
La dualité, la dialectique ne se suffit pas, ne résout pas... un troisième terme est nécessaire, allusion directe et sans fard au mystère de la Sainte Trinité.
La dualité, la dialectique ne se suffit pas, ne résout... mais même si l'on dévoile un troisième terme, pour autant ajoute Dantec avec son bon sourire, "je ne crois pas aux solutions". Il a l'espérance du chrétien qui croit au Salut mais il n'a pas de solutions... Bon d'accord.

A propos du mariage, un passage du journal de blog de Didier Goux m'a amusée et émue et je vous explique pourquoi. C'est un passage de sa lettre de "motivation" (c'est vrai que le terme est vraiment culcul) pour son mariage à l'Église, sa conclusion; je vous la donne : " « Dans ces conditions, il me semble que ce mariage ... prochain pourrait être considéré, en même temps qu'un renforcement, une solennisation de mon engagement envers Catherine, comme une sorte de mise à disposition de moi-même vers ce Dieu invisible pour moi et présent pour elle. Une manière de dire que je me tiens prêt. »
En lisant cette belle lettre, je me suis dit en moi-même que l'ami Didier était comme un enfant devant son Seigneur et son Dieu, un enfant naïf et confiant  : "je me tiens prêt". Je me suis dit que le Bon Dieu,qui n'attend que cela, que nous nous tenions prêts, risquait de prendre l'ami Didier au mot et de se présenter à lui (sous quelle forme? dans quelles circonstances? Le Bon Dieu a beaucoup d'humour et une délicatesse incroyable mais parfois la brise, le souffle léger se fait tempête et ouragan!), bref, j'ai trouvé cette lettre et ce mot extraordinairement culottés comme seuls les enfants et les tous petits savent l'être avec leurs parents. Et la lecture de l'évangile d'aujourd'hui est justement ce passage incroyable de cette femme très décidée qui renvoie la balle au Christ himself sans se démonter et qui me fait penser à la lettre de Didier Goux, pleine d'humilité et qui s'interroge en gros : "est-ce que j'en fait trop avec ce mariage alors que je n'ai pas une foi vraiment très orthodoxe?" Et bien! Cette femme dans l'évangile, qui parle de chien et de miettes (thèmes qui devraient plaire aux Goux), elle en fait une tonne sans complexe et...ça marche.*
Les lectures du jour sont toujours pleines de surprises amusantes. Je vous invite à les pratiquer avec ce service là qui est bien fichu.

Une autre petite lecture, délicieuse, un petit bijou comme parfois on en trouve chez lui, Eisangélie, m'a "interpelée" comme on dit. Il s'agit du texte "Mirage" qui m'a renvoyée à ma propre enfance de façon hallucinante et l'expression : "il était sans doute réellement bien davantage l'enfant de ces livres" est si juste, si vraie, si plénière que je ne peux guère en dire plus.On est effectivement, pour ceux qui doivent beaucoup à la lecture, enfant, l'enfant de ces livres, et on le demeure à vie et c'est merveilleux. C'est notre "source sacrée" et cachée, souterraine dit Dantec, qui rejaillit parfois, en ce qui le concerne, des années après, dans ses livres.





*Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 15,21-28.

  "Jésus s'était retiré vers la région de Tyr et de Sidon. Voici qu'une Cananéenne, venue de ces territoires, criait : « Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. » Mais il ne lui répondit rien. Les disciples s'approchèrent pour lui demander : « Donne-lui satisfaction, car elle nous poursuit de ses cris ! » Jésus répondit : « Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues d'Israël. » Mais elle vint se prosterner devant lui : « Seigneur, viens à mon secours ! » Il répondit : « Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le donner aux petits chiens. - C'est vrai, Seigneur, reprit-elle ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Jésus répondit : « Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux ! » Et, à l'heure même, sa fille fut guérie."


7 commentaires:

  1. Jamais lu ce James-là, et volus m'en donnez l'envie. En revanche, je ne sais pas comment vous faites pour avaler l'indigeste bouillie de Dantec...

    Pour le mot de "motivation", il est de moi, pas de la hiérarchie catholique ! Je l'ai mis là parce que le vrai mot m'échappait. Du reste, il continue de le faire : lettre de... lettre de... Rien à faire. Si Catherine passe, elle nous le dira sûrement.

    Si vous passez dans le Gers, allez donc visiter le château de Plieux : vous y serez acueillis et guidés par mon ami Rémi Pellet, qui "remplace" Renaud Camus comme nous l'avons fait l'an dernier à la même époque. C'est ouvert tous les jours sauf le mardi, de 14 à 20 H – sans rendez-vous.

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  2. Ben de "l'indigeste bouillie" de Dantec, m'est avis que j'en tire personnellement un misérable centième du dixième de la substantifique moelle, ou des miettes pour reprendre un terme à la mode... "indigeste bouillie" : non, il n'y a rien à faire, j'aime lire les romans de Dantec, vraiment, même si beaucoup de choses passent à dix mille au dessus de mon esprit. J'aime son style, j'aime sa réflexion,j'aime ses histoires...
    Là, la vidéo est bien menée, les questions des deux interlocuteurs dirigent et soutiennent fort bien l'esprit parfois un peu dispersé de l'écrivain (dispersé parce qu'il s'engage souvent dans des chemins inexplorés, même pour lui-même), bref, c'est vraiment bien.

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  3. Oui, Plieux! Je retiens! Excellente idée! Je vais en parler à mon mari.Merci!

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  4. C'est une lettre d'intention ! La Crevette, je me suis dit la même chose que toi : Didier est prêt, le Bon Dieu va sûrement faire quelque chose. Moi, j'ai confiance : ) Bonnes vacances et plein de bisous à toute le famille.

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  5. Ah oui "Lettre d'intention" c'est déjà mieux!^^ Catherine, Didier est cuit^^ : "ce que femme veut, Dieu le veut", n'est-ce pas?

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  6. Ne dites pas “Didier est cuit”, malheureuse ! On va encore croire que j'ai picolé...

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  7. "Ne dites pas “Didier est cuit”, malheureuse ! On va encore croire que j'ai picolé... "
    Excellent! excusez moi Didier mais ça me fait rire!^^
    Cependant,je crois qu'il y a une malédiction qui me poursuit et dont je n'arriverai jamais, jamais à me débarrasser, c'est ma maladresse... Je suis une gaffeuse née et ça ne s'arrange pas du tout cette affaire là.

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