mardi 16 février 2010

Samir Khalil Samir, Annoncer le Christ aux musulmans en Europe aujourd'hui


Remarques préliminaires : cette intervention du Père Samir a été émaillée d'anecdotes difficiles à retranscrire. Je ne donne que les conclusions sans les prémisses et c'est dommage car tout est contenu dans ces prémisses, ces exemples, ce vécu.
Je retranscris ici une présentation du Père Samir trouvé au dos d'un de ses ouvrages :
"Islam en Occident - Les enjeux de la cohabitation" (Entretiens avec Line Pillet, aux éditions Saint Augustin, 2009)
"Docteur en théologie orientale et en islamologie, Samir Khalil Samir, copte et jésuite, vit à Beyrouth où il enseigne à l'Université Saint Joseph. Fondateur et directeur du CEDRAC (Centre de documentation et de recherches arabes chrétiennes), il est aussi professeur à l'Institut Pontifical Oriental de Rome et préside l'International Association for Christian Arabic Studies. Auteur d'une cinquantaine d'ouvrages et de plus de mille deux cents articles, il est connu mondialement comme spécialiste de l'Orient chrétien et des relations entre l'islam et l'Occident."
Je met en encadrés []les remarques ou références de mon fait.


 Intervention du Père Samir :
Il faut se référer à l'intervention de Monseigneur Aillet qui a dit l'essentiel au sujet de l'Annonce, de l'évangélisation. Avec moult références (textes évangéliques et pontificaux) à l'appui que je n'ai pas devant moi.
Je vais quant à moi partir d'expériences concrètes de ces dix dernières années, en gros, pour situer mon sujet.
Il y a quelques années, je donnais une série de conférences à des religieuses au Maroc, lors d'une retraite de huit jours. Un jour, la Supérieure me fait appeler car un homme me demandait au parloir. Je le rencontre, il s'agissait d'un professeur de lycée, de langue arabe. Cet homme m'explique que cela fait de nombreuses années qu'il est attiré par le christianisme. Au bout d'un quart d'heure de conversation, je lui dis : "vous connaissez très bien la religion chrétienne et les évangiles! Pourquoi ne demandez-vous pas le Baptême?" Il me répond : "cela fait quatorze ans que je demande le Baptême!"
Stupéfait, je raconte cette histoire à l'évêque du cru le soir même, je partageais un repas avec lui et d'autres prêtres. Tous de s'écrier de ne pas abonder dans le sens du Baptême pour cet homme, pour son bien, car il serait évidement mis au ban de la société, persécuté etc... et les persécutions s'étendrait à l'église locale accusée de prosélytisme.[ la crevette : ne pas oublier l'importance communautaire, la puissance de l'Oumma dans l'Islam : l'individu n'existe qu'au travers de sa communauté musulmane]
L'Église elle-même se refusait donc à l'évangélisation pour éviter les problèmes de conversion!

Il y a un problème dans l'Église aujourd'hui sur le plan de la théologie : la théologie classique, dirons-nous commande l'évangélisation, elle la place au cœur de la logique du Salut. Cette évidence qu'a rappelé avec force Monseigneur Aillet fait sourire actuellement, elle est complètement ignorée.

Rapport entre foi et société :
Évangéliser c'est d'abord susciter une question chez l'autre, le placer devant un paradoxe pour l'amener au dialogue. Il faut mettre en exergue la cohérence interne d'un raisonnement, il faut un discours en vérité qui n'enlève rien à l'affection ni au respect dus à la personne avec qui on engage le dialogue.

Pourquoi cette nécessité d'évangélisation? Évangile signifie "Bonne Nouvelle". Lorsqu'on aime quelqu'un, en vérité, on veut le meilleur pour lui. Si je possède quelque chose qui a transformé mon cœur et ma vie, je me dois de transmettre ce "secret", à ceux que j'aime, à mes frères! De même, j'écouterais volontiers les musulmans me donner quelques clés spirituelles (si elles existent) pouvant me faire progresser dans ma foi.L'échange d'expériences spirituelles permet de redécouvrir l'esprit de l'évangile. Se connaître passe par des choses fort concrètes (partager des recettes de cuisine et des recettes pour mieux prier, etc...). Evangéliser passe de l'échange de choses les plus anodines jusqu'à éventuellement un échange théologique.

L'Évangile est ce qui libère l'être humain plus que n'importe quel mouvement de libération spirituel, c'est ma conviction profonde. Évangéliser est donc le sommet de l'acte d'amour envers l'Autre car c'est lui transmettre le "top" en matière de bonheur.
La manière dont l'Esprit nous guide dans ce partage et les conséquences provoquées par ce partage, grâce à l'Esprit Saint, ne dépendent pas de nous.



Une question suite à cette intervention : 
A partir du 8ème siècle environ, on constate une forte expansion de l'Islam en milieu chrétien-oriental. Pourquoi cette expansion, cette facilité à renverser le christianisme?
Réponse d'Annie Laurent : 
En Europe, l'Islam progresse d'autant plus facilement que les sociétés sont affaiblies du point de vue de leur foi chrétienne et de leurs mœurs. En matière religieuse, les divisions entre chrétiens, la désacralisation, la sécularisation, la décadence morale, tout cela rappelle effectivement la situation du 7ème-8ème siècle en Orient et la progression de l'Islam.
Il faut comprendre que ça n'est pas l'Epée qui est le plus efficace pour l'Islam, c'est la Dhimmitude qui demeure une arme redoutable. Il suffit d'observer ce qui s'est passé et se passe dans les Balkans, de ce point de vue. L'humiliation appliquée comme un rouleau compresseur. Une Église affaiblie, qui n'est plus sûre d'elle-même, cette Église cède aux "séductions" de l'Islam.
L'Islam est fort de nos faiblesses. Il faut recréer un tissu chrétien solide et rendre nos sociétés occidentales attrayantes.
Réponse de Monseigneur Sleiman, archevêque de Bagdad : 
Il y a une immense fatigue des populations, de ces vieilles églises chrétiennes orientales qui ont lutté et luttent essentiellement pour leur survie au quotidien, il faut avoir conscience de cela. Le renversement se fait au bout de la résistance.
Réponse du Père Samir : 
le système musulman est une puissance d'assimilation de l'autre absolument extraordinaire. Un certain nombre d'éléments sociologiques et financiers contribuent aujourd'hui à l'expansion de l'Islam. L'Islam est conçu comme un système global : religieux, militaire, social,économique. Le christianisme est un "système" essentiellement spirituel.

Plus profondément , je pense que cette "invasion" de l'Islam est un défi pour leur conversion. En effet, nous constatons dans l'histoire des missions, que tous les missionnaires qui ont traversé les mers pour évangéliser les musulmans ont souligné la quasi-impossibilité de convertir ces derniers, enfermés dans une forteresse, un système très fort. Aujourd'hui, les musulmans se retrouvent sur notre propre terrain, notre sol : il s'agit de profiter de cet avantage, de cet espace de liberté pour les convertir.

2 commentaires:

  1. Chère crevette, merci pour cet intéressant résumé de la conférence du Père Samir. Mais pourquoi diable (!) l'Eglise refuse-t-elle de pratiquer le prosélytisme en terre d'islam alors que cette religion n'a aucun scrupule à racoler les catholiques dans le dar al harb! Refuser de convertir par peur des représailles ou par souci diplomatique (donc bassement terrestre) est tout sauf chrétien me semble-t-il

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  2. Oui, les raisons de ce non-prosélytisme sont obscures... Monseigneur Sleiman qui avait comme thème de réflexion la dhimmitude a évoqué ce problème de l'Église en parlant aussi de mystère. Il ne disait pas cela pour se dédouaner mais vraiment il y a des choses qui nous échappent.(votre "diable!" pourrait expliquer en partie ce mystère mais je n'aime pas non plus tout ramener sur son dos. La notion de liberté chez les chrétiens donnerait aussi des pistes intéressantes. Enfin, le mystère de la conversion des cœurs est vraiment à mettre en exergue. Personne ne convertit, si ce n'est Dieu lui-même, d'où peut-être un "relâchement" des chrétiens : Dieu se débrouillera bien s'Il veut vraiment gagner des âmes... Je suppose que c'est cet ensemble de notions qui a abouti à cet état de fait.
    Les musulmans n'ont pas de scrupules au prosélytisme (violent) parce que c'est au fondement de leur "religion". La conquête (pas seulement physique et matérielle mais spiritualisée ou sacralisée par le Coran ou l'Islam)est à la base de l'Islam. Monseigneur Sleiman évoque ceci dans son intervention, voir notes du premier jour, c'est très intéressant de remarquer l'osmose entre la culture bédouine et l'Islam.

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