mercredi 15 juillet 2009

De la campagne et de la mer; de la poésie et de la philosophie


"D'où je suis, en Irlande, j'ai vue sur la mer. C'est un monde mobile, pas tout à fait certain, matériel cependant. Je hais la campagne, sa présence écrasante; elle me fait peur. Pour la première fois aujourd'hui je vis dans un endroit d'où je peux, par la fenêtre, contempler la mer; et je me demande comment j'ai pu vivre jusqu'à présent.
Décrivant le monde, inscrivant des blocs de réalité, vivants et irréfutables, je les relativise. Une fois transformés en texte écrit ils se teintent d'une certaine beauté irisée, liée à leur caractère optionnel. La campagne n'est jamais optionnelle; la mer, parfois, si.
La brume ne suffit pas, pas de nos jours; elle n'est pas assez matérielle - on pourrait la comparer à la poésie. Les nuages peut-être, si l'on vivait au milieu d'eux, pourraient suffire. La brume ne suffit pas; mais rien en ce monde n'est plus beau que la brume se levant sur la mer."

(Michel Houellebecq, Interventions 2, "Ciel, terre, soleil")

"On comprend alors qu'il en vienne à développer une autre thèse : certains modes de perception du monde sont eux-même poétiques. Tout ce qui contribue à dissoudre les limites, à faire du monde un tout homogène et mal différencié sera empreint de puissance poétique (il en est ainsi de la brume, ou du crépuscule). Certains objets ont un impact poétique, non en tant qu'objets, mais parce qu'en fissurant par leur présence la délimitation de l'espace et du temps, ils induisent un état psychologique particulier (et il faut reconnaître que ses analyses sur l'océan, la ruine, le navire sont troublantes). La poésie n'est pas seulement un autre langage; c'est un autre regard. Une manière de voir le monde, tous les objets du monde (les autoroutes comme les serpents, les parkings comme les fleurs). A ce stade du livre, la poétique de Jean Cohen n'appartient plus du tout à la linguistique; elle se rattache directement à la philosophie."
(Houellebecq, dans Interventions 2, "l'absurdité créatrice")


à lire avec ce beau clip et beau morceau de De Palmas :
http://www.youtube.com/watch?v=Z8_xIiEuwHg


Si par un hasard inouï quelqu'un lit ces lignes : coupure internet quelques jours, vacances bretonnes, lectures nombreuses.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire