"Le prêtre se faisant toujours attendre, j'ai cru devoir exprimer à mon infortuné camarade le regret que j'avais d'un retard qui risquait de le priver des consolations que l'Eglise réserve aux moribonds. Il n'a pas paru m'entendre. Mais quelques instants plus tard, sa main s'est posé sur la mienne, tandis que son regard me faisait nettement signe d'approcher mon oreille de sa bouche. Il a prononcé alors distinctement, bien qu'avec une extrême lenteur, ces mots que je sûr de rapporter très exactement : "Qu'est-ce que cela fait ? Tout est grâce."
Je crois qu'il est mort presque aussitôt." (Journal d'un curé de campagne, Bernanos)
Tu disais très justement que tu avais compris combien l'Église, le Christ est venu pour les pauvres, les ratés etc. Oui! je pense comme toi que notre imperfection, nos blessures sont notre salut puisque la Grâce ne peut se glisser que dans ces failles.
Mais tout de même, cher ami, n'oublie pas une chose très importante. La grâce divine ( définition de la grâce sanctifiante : la vie de Dieu en nous) passe en l'homme par des moyens très concrets puisque justement nous sommes des êtres humains et pas des anges. Cette Grâce passe essentiellement par les sacrements que propose le Christ et l'Église (qui ne sont qu'un). Sacrement de pénitence où Dieu nettoie notre âme, sacrement de l'Eucharistie où Dieu se réfugie en nous et illumine, cautérise, répare tout, sacrement du mariage où Dieu transcende, guérit, renforce notre pauvre amour humain. Tout ceci est fort concret et c'est fait pour les pauvres, par de pauvres prêtres bien souvent. La grâce divine, c'est Dieu, c'est très concret et Dieu est passé par des hommes et par des choses matérielles ( le pain, l'eau du baptême, les signes de croix etc., etc.) pour nous trouver. Il est surtout passé par notre liberté qui est la condition sine qua non d'un véritable amour. Il n'y a pas d'amour sans véritable consentement et liberté. Et Dieu est l'Amour. Et l'Amour, c'est fort concret ma foi, suffit de vivre avec un homme ou une femme pour le savoir. Si tu veux aimer, tu aimes physiquement, pas qu'avec des mots!Dieu veut nous aimer, Il vient en nous! PAR LES SACREMENTS.
Dans le Journal d'un curé de campagne de Bernanos, le jeune prêtre meurt à la fin, brutalement et il est en visite à ce moment-là chez un curé défroqué qui va l'absoudre de ses péchés. Il n'a que lui à ses côtés au moment de mourir... Je te redonne ce passage qui est l'un des sommets de la littérature française et surtout l'un des sommets de ce que j'ai pu lire en matière de vie spirituelle.
Tout ceci pour te recommander la pratique des sacrements qui sont véritablement les armes du pauvre.
"Comme disait ce vieux pauvre impitoyable que j'ai rencontré un jour : "Moi, ma vocation est de recevoir. Il me faut si peu pour vivre! Alors, je me tiens sagement sous le porche de l'église, je tends la main au Bon Dieu, je pense qu'il y mettra bien toujours deux sous..."( Bernanos, "l'Imposture")
As-tu tendu la main ces derniers temps ? As-tu réclamé au Bon Dieu sa grâce, ses sacrements?? Es-tu si profondément têtu et orgueilleux pour te croire au dessus de ces deux sous? Ne crois pas que je te passe un savon : ta mère en a le droit, ton père, ta femme. Mais tout de même, il faut bien dire les choses à un moment donné. N'a-ton pas le devoir de dire ce qui est l'évidence même ?
Parfois cette évidence nous éblouit tellement qu'on ne la voit pas, aveuglés que nous sommes.Bon, c'est dit maintenant! ( C. dirait : "j'ai dit.")
Tu te dis être pauvre parmi les pauvres et je veux bien le croire. Mais c'est un titre de gloire que tu t'attribues là. Un pauvre, ça mendie son pain, son Pain. Le fais-tu ? Vas-tu voir un curé jour et nuit et lui demander, lui réclamer, l'enquiquiner pour recevoir les sacrements, pour obtenir Celui que tu dis réclamer à corps et à cris ? Un pauvre ne fait pas que geindre, un pauvre est obsédé par les deux sous quotidiens à gagner. Il les dépense, les brûle aussitôt ses deux sous mendiés, cette grâce reçue et tout est à recommencer le lendemain. C'est cela un pauvre, un enfant perdu.
J'écris ces mots à l'instant, en revenant de la mer avec mes enfants; je m'étais assise sur un banc et je lisais avidement comme d'habitude les lectures du jour, samedi 28 février : "Jésus leur répondit : "Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs, pour qu'ils se convertissent."( Luc, 5; 27 à 32) Tu le vois bien, mon ami, si tu mendies , si tu es pauvre ou malade, tu recevras ta nourriture ou ta guérison. Mais appelleras-tu le médecin ? Mendieras-tu auprès du prêtre ta guérison ? La réclameras-tu avec la même ardeur que tes cachets de neuroleptiques ? Pourquoi négliges-tu ton âme et prends-tu soin de ton corps ? Les deux mon colonel, les deux!!!
Le soleil cette après-midi sur la mer était éblouissant, tout était calme et paisible et beau. Pour un très court moment, mon âme était en paix. J'ai pu savourer les sourires des jumeaux et leurs questions saugrenues.Et j'ai continué mes lectures : "Le Seigneur sera toujours ton guide. En plein désert, il te comblera et te rendra vigueur.Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais. Tu rebâtiras les ruines anciennes, tu restaureras les fondations séculaires. On t'appellera "celui qui répare les brèches", "celui qui remet en service les routes". (Isaïe, 58; 9b-14)
Oui, une fois la faille comblée par la Grâce des sacrements, la brèche se referme... Oh! Elle n'est qu'une cicatrice fragile et il faudra toute sa vie refaire la croute...C'est pourquoi les sacrements se reçoivent sans cesse. On tombe toujours sur les mêmes genoux et on se re-fait toujours les mêmes plaies, aux mêmes endroits.
Et comment peut-on recevoir la Grâce quand on est la perfection incarnée ?!?
RépondreSupprimerDoit-on se couper les jambes et se déplacer dans une caisse à savon pour esperer le salut ?
C'est bien le problème ou l'idée justement : comme personne n'est parfait, tout le monde peut recevoir la grâce...
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