De retour sur les plages de Bretagne sud.
Nous nous risquons malgré le ciel menaçant à passer un moment en bord de mer. Je pars avec un maillot de bain et une veste polaire.
Sur la plage, vers 14h, peu de monde. Quelques groupes épars, nous étendons nos serviettes. Je gémis car en juillet j'ai pris goût pour les petits sièges de plage, confortables. Mais ils sont restés dans une autre maison.. La position assise favorise mon sport favori : l'observation de la faune locale, sur terre et sur mer. Je peux passer des heures à contempler des groupes ou bien des individus.
La plage se remplit peu à peu, je m'allonge et pique un roupillon, emmitouflée dans ma polaire malgré les rayons du soleil. Un vent froid souffle, il chasse les nuages...
...Je me réveille sous les cris perçants de gamins juste à côté de mon précarré. En observant de plus près, je réalise que la population a changé : les aoûtiens ne ressemblent pas aux juilletistes.
En juillet, la plage était le domaine des familles nombreuses, pulls marins et maillots liberty. Avec chacune son trisomique ou handicapé au sein de la fratrie, parfaitement intégré et heureux (L'expression peut choquer mais il ne faut y voir que lucidité, humour et tendresse). Des jeunes femmes calmes, sans les maris pas encore en vacances. Des grands parents en bermudas chapeautent les groupes. Les paquets de biscuits premier prix sortent des sacs en toile à 16h précise. Les tons de voix sont doux, personne ne hausse la voix, même dans l'eau gelée. Les petits donnent gentiment des coups de pelle sous l'oeil attendris des plus grands. Le jeune trisomique caline ceux qui pleurent. Le rêve. Parfois, un enfant trépigne. Toute la plage s'arrête. Le rouge au front, une jeune mère, aidée du vieux grand père ("de mon temps!..."), tire par le bras le l'enfant rebelle et l'isole pour lui faire la leçon. Le petit revient ensuite au sein du groupe, calmé. La plage, soulagée, reprend ses activités de bon aloi. Un jeu de Molki. Des pelles et des seaux.
Mais en août, c'est une autre histoire : des familles frics et beaufs s'étalent partout. Les femmes en deux pièces qui débordent, les hommes aux tenues sportives dont on ne sait pas trop si elles servent au vélo, en montagne ou dans l'eau. Sans doute sont-elles comme ces produits "deux ou trois en un". Sans doute, ces sportifs de l'été viennent-ils à vélo à la plage, plongent-ils dans l'eau avec leur culotte de sport et tshirt noir, et se sèchent en faisant des clins d'oeil appuyés à la copine de leur femme. Ils repartent en vélo en marinant dans leur jus.
Tout ceci avec des hordes d'ados ou de jeunes enfants (des hordes : un ou deux de ces enfants suffit à faire penser aux alentours qu'ils sont une demi douzaine), bruyants, agités, aux voix perçantes et jeux imbéciles avec projections de sable sur tous les voisins, bref, mal élevés. Le cauchemar.
Deuxième nouveauté : les groupes d'obèses. Souvent la cellule familiale dans son ensemble : le père, la mère, le fils et la fille. La fascination se dispute au dégoût. Parfois la compassion l'emporte, sutout pour les enfants.
Enfin, la plage du mois d'août voit fleurir les tatoués de tous âges et de tous sexes. Peut-être une majorité de femmes (jeunes ou vieilles) qui arborent des entrelas variés sur le cuissot ou l'épaule ou bien la cheville. Les hommes ont une préférence pour des symboles mystérieux et surtout abscons sur la nuque.
Cet après-midi, un intermède juste sous nos yeux vient me distraire, entre deux passages et projections de sable des gosses. Je reprends espoir: tout n'est pas gâché.
Une "planchiste" s'échoue sur le bord, dans les bras de son homme qui l'enlace inquiet, laissant sa planche dériver sans sourciller. Au bout de cinq six minutes, un vieux planchiste s'approche, rapporte les planches des deux échoués et s'enquiert. La femme s'est blessée, elle a mal. Le vieux se propose d'aller chercher les "body guards" au bout de la plage. Il part. Les deux échoués s'enlacent plus que jamais avec les vaguelettes qui léchouillent leurs combis. Dix minutes après, deux body guards en tshirt jaune débarquent. Je suis déçue, ils ne vendent pas du rêve, ce n'est pas "Alerte à Malibu" mais plutôt les stagiaires de l'été. Bon. Ils interrogent le couple. Ça dure longtemps. Une femme s'est approchée et tend son téléphone. Ils appellent (enfin) les pompiers. Expliquent leur position. Ça dure longtemps. Rendent le téléphone à la femme obligeante. Ils ont le torse jaune bardé d'impressionnants appareils radios mais apparemment le téléphone, c'est mieux.
Ils finissent par demander au couple de se démêler un peu et ils accompagnent la jeune femme qui marche en vacillant jusqu'aux voitures. Tout le groupe attend les pompiers. Qui tardent. Une dame apporte un siège en plastique à la blessée. Quarante minutes plus tard, les pompiers arrivent. On tend un drap autour de la blessée en combi. Quinze minutes plus tard, tadaam! Elle apparaît en combi et débardeur. Elle monte dans le camion des pompiers. Fin de l'intermède. Nous rentrons.
Je me demande si ce sera aussi palpitant demain.
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