dimanche 10 mai 2020

Dimanche 10 Mai, Journal de Bord, le chrétien des villes et le chrétien des champs

Après une bonne insomnie, je me réveille ce matin complètement déprimée. Rien n'avance dans ce déconfinement qui me paraît de plus en plus comme un confinement encore plus strict que ce que nous vivons depuis deux mois. Pas de messe, un pavé d'instructions intenables pour la rentrée à l'école de la petite, des attestations en pagaille pour aller bosser; tout est tellement angoissant, surréaliste, placé sous l'égide d'un pouvoir malveillant placé en alerte maximum pour spolier, enfermer et maltraiter tout le monde. Comment supporter cela? Sur le long terme nous n'y arriverons pas.
Je commence ma messe à l'écran avec un sentiment de saturation voire de dégoût. Combien de temps encore ce simulacre? Aurons-nous une vraie fête de la Pentecôte? Je songe aux Apôtres enfermés après la mort du Christ, terrorisés à l'idée de sortir. Et le Christ vient, bravant les murs. Et l'Esprit Saint aussi, les surprend dans une pièce close. Et ensuite, ils sortiront, animés d'un courage invincible et surtout emplis de grâce. Le Bon Dieu se rit de nos confinements, Il passe partout. J'apprends par un prêtre qu'on lui a refusé l'entrée d'ehpad pour administrer les derniers sacrements à une personne mourante... "Et pourtant m'explique ce prêtre, nous avons le droit, normalement". Je discute avec le prêtre sur mon projet de chapelet, une fois par semaine à l'église du village si possible. Il ne faut pas que cela devienne un rassemblement. J'ironise : "Mon père, honnêtement, je pense que si j'arrive à convaincre un de mes enfants de m'accompagner, dans le village, ce sera le maximum que nous serons." La situation entre la ville et la campagne n'est pas la même. Ici nous regorgeons d'églises vides, messes du dimanche ou pas. En ville, vous rassemblez facilement pour la moindre prière cinquante personnes voire plus. Je veux profiter de cet avantage campagnard longtemps considéré comme un inconvénient voire comme une malédiction par nos pauvres prêtres isolés. La revanche du chrétien des champs sur le chrétien des villes! La deuxième lecture du jour est explicite et remonte le moral : "vous êtes une descendance choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple pour que vous annonciez les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière."

Départ cet après-midi pour le travail de ma grande fille et retour d'un de mes fils, en télétravail sur Paris. Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. Ce journal de Bord prend fin aujourd'hui. Je continuerai des billets, moins fréquents, il faut simplement que je trouve un nouveau titre pour cette période incertaine qui s'annonce. "Chemin sur une morne plaine"? A voir...



Morne plaine

C'est vrai qu'une fois sortis de l'enfance dont nous apercevons encore de temps à autre
Les paisibles lueurs douces et dorées qui éclairent de leur présence notre nuit,
Nous nous tournons un jour brutalement vers les espaces adultes immenses et gris
Et la guerre débute, larvée, perfide, contre nous-mêmes et tous, contre la Faute,
Dans ces plaines quotidiennes, désertes et arides, et elle ne cesse jamais plus.

Cette guerre nécessite toutes nos forces, notre vertu et notre haine pour l'ennemi
Sans nom et sans visage qui se manifeste par notre paresse, nos péchés, nos travers
Et ceux de nos frères, cette guerre qui ne finira jamais tant que nous serons en vie
C'est l'histoire de nos jours et de nos nuits, de nos épreuves et nos pénibles galères
Dans ces plaines quotidiennes, désertes et arides, et elle ne cesse jamais plus.

J'aimerais connaître un instant de félicité qui durerait plus de quelques secondes;
Jour après jour, je brasse péniblement quelques gestes pesants en eau profonde
J'aimerais, quand ma tête émerge de loin en loin pour une respiration avide et longue,
Apercevoir la côte, la terre, atteindre le sable, creuser et reposer dans ma tombe
Dans ces plaines quotidiennes, désertes et arides que je vis à perte de vue.

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