Un texte écrit en 2011, dont les exemples n'ont guère changé si ce n'est que je donne moins de biberons à Gabrielle qui a 4 ans et que je dois gérer avec mon mari plus de "problématiques" de jeunes adultes puisque nous avons maintenant 4 grands de 18 ans ou plus. Ce qui n'a pas changé non plus c'est toute la confiance et l'admiration que j'éprouve pour mon mari qui a fait de moi une femme et une mère comblée et l'amour pour tous mes enfants qui reste la source de ma vitalité.
"La guerre était sans nul doute la chose la plus simple à faire, mais c'était surtout la plus difficile à réussir". ( Dantec,Babylon Babies)
"Je ne vous souhaite pas beaucoup de bonheur : vous vous ennuieriez : je ne vous souhaite pas non plus de malheur; mais à la suite de la philosophie populaire je répète simplement : "vivez davantage" et tâchez de ne pas trop vous ennuyer;..." (Dostoïevski)
"Qu'est-ce que c'est que t'as jamais fait de plus courageux ? Il envoya sur la route un crachat sanglant. Me lever ce matin, dit-il."
(La Route, Cormac McCarthy)
(La Route, Cormac McCarthy)
« Le destin ordinaire des hommes n’est-il pas de chercher très loin, et souvent au péril de leur vie, ce qu’ils avaient , sans le savoir à portée de la main ? » ( p.94, Les Prédestinés, de Bernanos ).
Je suis en retard sur tout en ce moment, mais vraiment en retard, je n'arrive pas à être à l'heure pour un seul de mes repas, rendez-vous ou biberon. Tout se fait dans la précipitation la plus chaotique, c'est la Guerre, la Grande Guerre qui s'effectue à coups de conduites en voiture (-"Maman, le Code dit que faire 130 au lieu de 90, c'est au moins 4 points en moins, ou peut-être bien un retrait de permis, je sais plus... -Tu sais mon grand, c'est bien simple, si tu veux avoir ton putain de Code, il te suffit d'observer comment ta mère conduit et de faire exactement l'inverse de tout ce qu'elle fait! Pas compliqué tout de même..."), à coups de biberons trop froids ou trop chauds, à coups de leçons récitées entre deux couloirs ou derrière une porte pendant que j'enfile un pantalon que je n'arrive pas à fermer (oh joies de la maternité!), à coups de réveils qu'on n'entend plus sonner, à coups de montagnes de repassage devant lesquelles on passe sans oser regarder, à coups de papiers de sécu dont on a perdu les ordonnances, à coups de rendez-vous avec des profs. à qui on ment en expliquant qu'on fera travailler tous les jours notre mouflet cet été ("Sisi! Comptez sur moi!! Vous avez raison! Tout ceci n'est pas tenable!"), à coups de questions imbéciles dont on n'écoute absolument pas la réponse mais qu'on s'oblige à poser parce que c'est important pour l'enfant ("Ta journée s'est bien passée? Ton contrôle, tu l'as réussi? Ah c'est demain le contrôle? Non? C'est passé depuis une semaine? Ah bon... Mais c'est qui qui avait un fichu contrôle de SVT??!! Personne? C'était de l'anglais? !!Mais alors pourquoi tu m'as pompée l'air pendant UNE HEURE avec la reproduction sexuée des tulipes??!! Qu'est-ce que j'en ai à faire moi, de la reproduction des végétaux??!! Déjà que je maîtrise même pas la mienne de reproduction... Quoi mon lapin? C'est quoi ma reproduction?... C'est rien, je parlais à ta grande sœur, n'écoute pas tout s'il te plait, Maman est fatiguée.") et je me disais qu'il faudrait que j'évoque cette banalité du quotidien, cette existence mi-cuite comme dirait Lounès*... Hum. Ma qué mi-cuite?! Je suis cuite entièrement, carbonisée même, mais mi-cuite? Jamais. Bref, c'est ma fête, comme on dit, la fête des mères!!
Heidi demande où se situe le secret de la vraie joie. J'ai mis du temps à le comprendre, mais je crois bien que ce secret se trouve dans cette guerre du quotidien. Elle est là la vraie vie, il est là le combat pour les hommes et les femmes véritables! Vous voulez vivre des moments intenses? C'est simple, faites du mieux que vous pouvez dans ce qui quadrille votre journée et vous verrez que tout aura une saveur nouvelle, un goût salé inattendu ("Vous êtes le sel de la terre"...)
Hier soir, pause entre deux rounds de la vie de famille. Avec mon mari, je regarde avec jubilation Very bad trip, l'histoire d'une bande de copains partis à Las Vegas enterrer la vie de garçon de l'un d'entre eux qui va se marier le lendemain. Mon mari éclate de rire devant les turpitudes des noceurs... Je l'observe un moment, heureuse de le voir souriant et détendu, j'observe son beau visage que je connais par cœur, de celui qui n'a jamais ménagé sa peine pour nous rendre tous heureux... Que d'heures passées à jouer avec les plus jeunes, à réparer des "guns" en plastique, à faire des courses, à déboucher des lavabos, apporter un biberon, recoucher un petit, discuter avec les plus âgés, que d'heures passées à préparer des cours, corriger des copies, remplir des dossiers, à discuter avec des garagistes, des banquiers, que d'heures passées dans cette banalité du quotidien qui ont fait de lui mon compagnon d'armes préféré et unique... J'ai pu compter sur lui dans les moments de grande joie ou de grande peine, mais surtout, surtout, j'ai pu compter sur lui tous les jours que Dieu fait et c'est cela qui le rend si inestimable à mes yeux... Si je suis une mère de famille aujourd'hui c'est d'abord et avant tout parce que lui est un père et qu'il a accepté de soumettre toute sa vie, tous ses instants à sa famille...
Je songe à ce film vu il y a quelque jours, avec Russel Crowe, Les trois derniers jours : une mère de famille accusée d'un crime crapuleux sur sa patronne est condamnée à la prison à perpétuité; son mari décide, en voyant qu'il n'y a plus de recours possible pour l'innocenter, de la faire évader et de s'enfuir avec elle et leur petit garçon. A un moment donné, il va voir sa femme au parloir et sa femme, déprimée, désespérée lui fait une mauvaise scène et lui dit : "Et si j'étais coupable? Hein, tu y as pensé à ça? " Puis elle s'en va énervée. Lui ne dit rien, fait rappeler sa femme et en la voyant lui dit d'un ton sec : "Ferme-là! Je te connais, je sais qui tu es et je sais que tu n'as pas tué cette femme". Elle en reste coite, sa femme, de la confiance absolue de son mari, elle retrouve espoir en écoutant la voix souveraine de ce petit prof. aux lunettes sales, aux épaules voûtées, au pantalon froissé qui prend soudain une ampleur, une majesté inattendue et magnifique... Il assume, il assume tout, sa vie misérable, le regard des autres, son petit garçon malheureux, il assume tout parce que c'est sa femme et il est son mari, il la connait bien, et c'est tout, et tout découle de cette évidence.
Je pourrais dire aussi à mon cher mari : je te connais, je sais tout ce dont tu es capable pour nous, pour nous rendre heureux et je veux t'en remercier, particulièrement, parce que tu as réussi cela, tu témoignes de ce que c'est que d'être un homme, un vrai : "un prêtre, un guerrier, un poète" dit Stag par la bouche de Baudelaire. Un Prêtre qui sait, qui réfléchit et qui nous indique à nous, les tiens, le chemin, la route pour notre petite famille, qui montre la Voie, un Guerrier accompli du quotidien, un Poète qui a créé toutes ces œuvres d'art uniques et singulières que sont nos enfants et cette famille que nous formons....
Notes
* Chez Lounès : "Je ne comprendrai jamais les gens « calmes » du monde du travail, qui parlent lentement, qui ne font jamais un pas de côté, qui vivent entièrement tièdes et mi-cuit dans une vie quotidienne qui se répète."
Vous me donnez vraiment le tournis!
RépondreSupprimerDes biberons à 4 ans ?!? Fichtre…
RépondreSupprimerOui c'est vrai, il arrive qu'elle en prenne encore le matin dans la voiture plutôt qu'un bol qu'elle met trois plombes à boire...Vous verriez l'espèce de course échevelée le matin pour arriver à mettre tout le monde dans la voiture à peu près habillé et pas trop badigeonné de chocolat!
SupprimerJe fais semblant de m'étonner mais en fait – ne le répétez à personne… –, j'ai pris ma bouillie chocolatée au biberon jusqu'à l'âge de cinq ans ! Mon frère cadet, un an, la prenait déjà dans un bol que j'étais encore dans mon lit avec mon biberon…
SupprimerCe doit être pour ça que, 55 ans plus tard, je biberonne encore si volontiers !
SupprimerOh Didier! quand je pense que je tentais une misérable justification le rouge au front! Gabrielle refuse de passer dans un grand lit, elle est toujours dans un lit de bébé et donc biberonne à ses heures perdues... Mais si cela signifie qu'elle sera aussi bonne personne que vous l'êtes, alors je suis rassurée^^
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