Le philosophe Alain Laurent, vient de publier : « La société ouverte et ses nouveaux ennemis », un titre qui fait référence à l’ouvrage célèbre de Karl Popper : « The Open Society and Its Enemies« , publié à Londres en 1945.
Alain Laurent est l’auteur de nombreux livres touchant la philosophie libérale et il est un spécialiste des auteurs français ou américains qui ont participé à l’élaboration de cette philosophie depuis le XVIIIe siècle. Il a enseigné la philosophie en terminale.
« Les sociétés ouvertes » qui caractérisent les démocraties occidentales se trouvent actuellement confrontées à l’implantation d’un islamisme conquérant et à une immigration extra-occidentale de masse qui peine à s’intégrer. On a beau le nier plus ou moins, on a beau minorer ces problèmes, il s’agit d’une réalité qui touche toute l’Europe.
Selon Alain Laurent, cette situation critique résulte d’abord de la forfaiture morale et parfois juridique de politiques qui n’ont pas voulu faire respecter le droit commun démocratique. Mais, surtout et en amont, de l’emprise d’une idéologie prétendument « antiraciste », « sans-frontiériste » et acquise au relativisme multiculturel qui a perverti les valeurs de tolérance et d’ouverture : en elle se retrouvent les véritables et paradoxaux nouveaux ennemis de la société ouverte.
Alain Laurent défend 2 thèses dans son livre :
1° Le communautarisme est un néo-tribalisme et un collectivisme moral qui n’ont aucune place dans l’aspiration libérale à une société ouverte.
2°
Le pluralisme inhérent à la logique libérale conduit à plus de privatisation de l’existence arrachée à la tutelle des Etats, des traditions et des groupes – et non pas à l’inscription institutionnelle des choix individuels dans la sphère publique.
Prologue du livre d’Alain Laurent
"Les nouveaux ennemis concernent aussi des citoyens « historiques » ou « de souche » : les groupuscules d’extrême droite raciste et facistes, les héritiers idéologiques directs du marxisme recyclés en néo-communistes trotskistes ou altermondialistes devenus des activistes alliés à l’islamisme"
L’intégration "citoyenne" est en crise (Ch. 1)
"...il y a une vraie menace culturelle contre les sociétés ouvertes qui correspond à l’afflux massif de l’immigration extra-occidentale et à un processus de réislamisation dans l’aire musulmane."
La forfaiture morale et juridique des Etats (Ch. 2)
"Selon Alain Laurent, la responsabilité de tous ces désordres et instabilités dans chaque pays ne doit pas être imputée aux migrants extra-occidentaux. « Il n’y a aucune fatalité à ce que sur le plan individuel un migrant de bonne volonté, fût-il pauvre, demeure sans emploi et devienne un assisté permanent, sombre dans la délinquance, se communautarise ou se mue en ennemi idéologico-culturel de la société ouverte. » Elle doit plutôt être imputée aux responsables politiques de ces pays qui n’ont jamais voulu voir la massification de cette immigration et qui n’ont jamais surtout vraiment tenté de faire connaître et de faire appliquer les principes de la société ouverte, principes auxquels à priori tous les migrants étaient favorables."
Nouvelles censures, nouvelles inquisitions (ch.3)
"Le professeur de droit Anne Marie le Pourhiet a fort bien établi le diagnostic sur « cette mise progressive de la liberté d’expression sous étroite surveillance idéologique étatique ».
Elle juge que « la responsabilité première de cette dérive incombe aux gouvernements successifs, de gauche comme de droite. »
Une limitation sociale ou étatique de la liberté d’expression contrecarre forcément les principes de la société ouverte, les fondamentaux de la démocratie libérale.
Au libre choix de croyances s’exposant sur la place publique doit normalement pouvoir correspondre un libre débat critique et public – sauf à conférer aux religions un exorbitant statut privilégié aux regard des autres types de convictions, philosophiques, idéologiques ou politiques."
Xénophobie, extrême droite : la mystification (ch.4)
« Etre opposé à l’immigrationnisme et à l’emprise de l’islam traditionaliste sur la société française, c’est être « xénophobe » et « islamophobe » : telles sont les nouvelles tables idéologiques de la loi qui s’est imposée en France – et bien ailleurs en Europe. » La manipulation intellectuelle est claire : faire passer l’exaspération ou l’inquiétude des gens pour du racisme."
"Les belles âmes de l’anti-facisme » n’ont pas vu arriver un réel danger de facture formelle typiquement fascisante, mais sur l’autre bord du spectre idéologique où elles se refusent à l’identifier comme tel. D’abord à l’extrême gauche, avec un « fascisme » rouge agissant et à bien des égards idéologiquement proche du fascisme classique d’extrême droite (antisémitisme xénophobe à peine dissimulé sous l’anti-sionisme et la haine d’Israël, anti-parlementarisme, anti-américanisme, anti-libéralisme…)"
Un nouveau combat pour la société ouverte (ch. 5)
"Ce sont les milieux bien-pensants qui vont qualifier cette pensée résistante de « néo-réactionnaires » dans les années 2005-2006 comme si c’est derniers étaient là pour restaurer un nouvel ordre moral traditionnaliste et puritain. Or ces résistants sont simplement animés « d’un esprit de résistance » face à l’esprit conquête » selon Zarka (hors-série de la revue Cités), esprit de conquête d’un certain islam."
Au-delà du "choc des civilisations" (ch. 6)
« Le problème, c’est qu’il y a des musulmans modérés mais pas d’islam modéré. »
Le nouvel ennemi majeur de la société ouverte (Ch. 7)
A l’inverse d’un gauchisme révolutionnaire rien moins qu’angélique, la gauche « humaniste » ne prône ni ne pratique la violence.
Elle privilégie l’action psychologique et morale, autrement plus efficace auprès des autorités : l’indignation vertueuse, la protestation accusatrice, la culpabilisation qui joue sur le s registres du compassionnel et de la mauvaise conscience. Son coup de maître est qu’au lieu de rejeter la société ouverte, elle mobilise avec véhémence les valeurs d’ « ouverture », à savoir les droits universels de l’homme, la tolérance, l’hospitalité, le pluralisme, allant même jusqu’à proclamer la meilleure ou seule championne. Comment de larges pans de la société civile et les médias pourraient-ils à force ne pas se sentir en sympathie avec l’exhibition d’aussi bons sentiments ? »
Le multiculturalisme : une perversion du pluralisme (ch.7 suite)
"...l’avertissement d’Alain Laurent : « Il est essentiel de bien comprendre que tout gravite autour du multiculturalisme dans son acception idéologique. »
"Dans leur optique, la pleine ouverture institutionnelle aux identités culturelles collectives et différenciées représente l’accomplissement de la logique pluraliste des sociétés ouvertes; de la première étape de la reconnaissance du fameux « droit à la différence », il est moralement et politiquement nécessaire de passer à celle d’une différence (au moins partielle) des droits à attribuer à des communautés à ancrage ethnique en vue de parvenir à une situation de coexistence pacifique entre cultures et particularismes."
"On ne comprend pas pourquoi il faudrait bouleverser l’ordre institutionnel en attribuant de nouveaux droits collectifs ou statuts dérogatoires aux cultures qui s’intègrent dans une société ouverte. Le régime de droits et libertés individuels constitutionnellement garanti rend déjà possible de vivre ce pluralisme culturel limité à titre personnel ou en s’associant volontairement, dans la sphère privée ou civile. Lorsqu’il y a eu une tolérance, une ouverture à ce schème du pluralisme culturel (cf. le modèle anglo-canadien), l’expérience a démontré que le respect de l’état de Droit était continuellement exposé à des tentatives de transgression et de grignotage tendant à faire réviser les règles de juste conduite des sociétés ouvertes."
A. Laurent (Epilogue)
"Alain Laurent écrit : « Voir les sociétés ouvertes occidentales se muer progressivement et sans réagir en vastes zones molles « humanitaires » à paisiblement squatter et si tolérantes envers leurs nouveaux ennemis de l’extérieur, les voir aussi tellement réceptives aux idéologies du renoncement mais si peu aux mises en garde de la pensée de résistance, voici qui ne peut manquer d’interpeller leurs vrais partisans. "
"L’Occident, les français, ne rejettent donc pas un Autre imaginaire mais des autres qui ne veulent pas s’intégrer ou plutôt qui souhaitent imposer des modes de vie incompatibles avec les règles en usage dans nos sociétés ouvertes. Ce syndrome masochiste qui nous pousse à « aimer » de façon inconditionnelle ceux qui nous haïssent ressemble grandement au syndrome de Stockolm."
"Et Barnavi de déclarer aux Occidentaux : « Il vous faudra réapprendre à faire la guerre. Il vous faudra vous armer de patience et de convictions, et tracer bravement la ligne de défense en deçà de laquelle vous ne pourrez ni ne voudrez reculer. » (2006), « il faut réapprendre le goût amer du conflit pour la défense des valeurs qui définissent ce que nous sommes et ce que nous voulons être. » (Le Monde 2, 9 décembre 2006). Dans ce contexte, les sociétés ouvertes n’ont guère le choix que d’établir des lignes de protection mais « une telle ligne de défense s’apparenterait plus à un barrage filtrant qu’à une muraille ou ligne Maginot. »Cette stratégie de défense ne peut prendre son plein sens qu’à l’échelle géopolitique globale d’un nouveau « monde libre » alliant sociétés ouvertes occidentales et non occidentales, confirmées ou émergentes – autre visage de l’ouverture. »"
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire