Ecrit à l'occasion d'une fête des mères mais que je republie aujourd'hui pour la fête des pères, spéciale dédicace au père de mes enfants, mon mari.
Gabrielle bébé, époque où j'ai écrit ce texte |
"La guerre était sans nul doute la chose la plus simple à faire, mais c'était surtout la plus difficile à réussir". ( Dantec,Babylon Babies)
"Je ne vous souhaite pas beaucoup de bonheur : vous vous ennuieriez : je ne vous souhaite pas non plus de malheur; mais à la suite de la philosophie populaire je répète simplement : "vivez davantage" et tâchez de ne pas trop vous ennuyer;..." (Dostoïevski)
"Qu'est-ce que c'est que t'as jamais fait de plus courageux ? Il envoya sur la route un crachat sanglant. Me lever ce matin, dit-il."
(La Route, Cormac McCarthy)
(La Route, Cormac McCarthy)
Je suis en retard sur tout en ce moment, mais vraiment en retard, je n'arrive pas à être à l'heure pour un seul de mes repas, rendez-vous ou biberon. Tout se fait dans la précipitation la plus chaotique, c'est la Guerre, la Grande Guerre qui s'effectue à coups de conduites en voiture (-"Maman, le Code dit que faire 130 au lieu de 90, c'est au moins 4 points en moins, ou peut-être bien un retrait de permis, je sais plus... -Tu sais mon grand, c'est bien simple, si tu veux avoir ton putain de Code, il te suffit d'observer comment ta mère conduit et de faire exactement l'inverse de tout ce qu'elle fait! Pas compliqué tout de même..."), à coups de biberons trop froids ou trop chauds, à coups de leçons récitées entre deux couloirs ou derrière une porte pendant que j'enfile un pantalon que je n'arrive pas à fermer (oh joies de la maternité!), à coups de réveils qu'on n'entend plus sonner, à coups de montagnes de repassage devant lesquelles on passe sans oser regarder, à coups de papiers de sécu dont on a perdu les ordonnances, à coups de rendez-vous avec des profs. à qui on ment en expliquant qu'on fera travailler tous les jours notre mouflet cet été ("Sisi! Comptez sur moi!! Vous avez raison! Tout ceci n'est pas tenable!"), à coups de questions imbéciles dont on n'écoute absolument pas la réponse mais qu'on s'oblige à poser parce que c'est important pour l'enfant ("Ta journée s'est bien passée? Ton contrôle, tu l'as réussi? Ah c'est demain le contrôle? Non? C'est passé depuis une semaine? Ah bon... Mais c'est qui qui avait un fichu contrôle de SVT??!! Personne? C'était de l'anglais? !!Mais alors pourquoi tu m'as pompée l'air pendant UNE HEURE avec la reproduction sexuée des tulipes??!! Qu'est-ce que j'en ai à faire moi, de la reproduction des végétaux??!! Déjà que je maîtrise même pas la mienne de reproduction... Quoi mon lapin? C'est quoi ma reproduction?... C'est rien, je parlais à ta grande sœur, n'écoute pas tout s'il te plait, Maman est fatiguée.") et je me disais qu'il faudrait que j'évoque cette banalité du quotidien, cette existence mi-cuite comme dirait Lounès*... Hum. Ma qué mi-cuite?! Je suis cuite entièrement, carbonisée même, mais mi-cuite? Jamais. Bref, c'est ma fête, comme on dit, la fête des mères!!
Heidi demande où se situe le secret de la vraie joie. J'ai mis du temps à le comprendre, mais je crois bien que ce secret se trouve dans cette guerre du quotidien. Elle est là la vraie vie, il est là le combat pour les hommes et les femmes véritables! Vous voulez vivre des moments intenses? C'est simple, faites du mieux que vous pouvez dans ce qui quadrille votre journée et vous verrez que tout aura une saveur nouvelle, un goût salé inattendu ("Vous êtes le sel de la terre"...)
Hier soir, pause entre deux rounds de la vie de famille. Avec mon mari, je regarde avec jubilation Very bad trip, l'histoire d'une bande de copains partis à Las Vegas enterrer la vie de garçon de l'un d'entre eux qui va se marier le lendemain. Mon mari éclate de rire devant les turpitudes des noceurs... Je l'observe un moment, heureuse de le voir souriant et détendu, j'observe son beau visage que je connais par cœur, de celui qui n'a jamais ménagé sa peine pour nous rendre tous heureux... Que d'heures passées à jouer avec les plus jeunes, à réparer des "guns" en plastique, à faire des courses, à déboucher des lavabos, apporter un biberon, recoucher un petit, discuter avec les plus âgés, que d'heures passées à préparer des cours, corriger des copies, remplir des dossiers, à discuter avec des garagistes, des banquiers, que d'heures passées dans cette banalité du quotidien qui ont fait de lui mon compagnon d'armes préféré et unique... J'ai pu compter sur lui dans les moments de grande joie ou de grande peine, mais surtout, surtout, j'ai pu compter sur lui tous les jours que Dieu fait et c'est cela qui le rend si inestimable à mes yeux... Si je suis une mère de famille aujourd'hui c'est d'abord et avant tout parce que lui est un père et qu'il a accepté de soumettre toute sa vie, tous ses instants à sa famille...
Je songe à ce film vu il y a quelque jours, avec Russel Crowe, Les trois derniers jours : une mère de famille accusée d'un crime crapuleux sur sa patronne est condamnée à la prison à perpétuité; son mari décide, en voyant qu'il n'y a plus de recours possible pour l'innocenter, de la faire évader et de s'enfuir avec elle et leur petit garçon. A un moment donné, il va voir sa femme au parloir et sa femme, déprimée, désespérée lui fait une mauvaise scène et lui dit : "Et si j'étais coupable? Hein, tu y as pensé à ça? " Puis elle s'en va énervée. Lui ne dit rien, fait rappeler sa femme et en la voyant lui dit d'un ton sec : "Ferme-là! Je te connais, je sais qui tu es et je sais que tu n'as pas tué cette femme". Elle en reste coite, sa femme, de la confiance absolue de son mari, elle retrouve espoir en écoutant la voix souveraine de ce petit prof. aux lunettes sales, aux épaules voutées, au pantalon froissé qui prend soudain une ampleur, une majesté inattendue et magnifique... Il assume, il assume tout, sa vie misérable, le regard des autres, son petit garçon malheureux, il assume tout parce que c'est sa femme et il est son mari, il la connait bien, et c'est tout, et tout découle de cette évidence.
Je pourrais dire aussi à mon cher mari : je te connais, je sais tout ce dont tu es capable pour nous, pour nous rendre heureux et je veux t'en remercier, particulièrement, parce que tu as réussi cela, tu témoignes de ce que c'est que d'être un homme, un vrai : "un prêtre, un guerrier, un poète" dit Stag par la bouche de Baudelaire. Un Prêtre qui sait, qui réfléchit et qui nous indique à nous, les tiens, le chemin, la route pour notre petite famille, qui montre la Voie, un Guerrier accompli du quotidien, un Poète qui a créé toutes ces œuvres d'art uniques et singulières que sont nos enfants et cette famille que nous formons....
Notes
* Chez Lounès : "Je ne comprendrai jamais les gens « calmes » du monde du travail, qui parlent lentement, qui ne font jamais un pas de côté, qui vivent entièrement tièdes et mi-cuit dans une vie quotidienne qui se répète."
Hé béh !
RépondreSupprimerQuoi? C'est nul? Je peux encore l'enlever...
RépondreSupprimerPDLL
RépondreSupprimer"Mais alors pourquoi tu m'as pompée l'air pendant UNE HEURE avec la reproduction sexuée des tulipes??!! Qu'est-ce que j'en ai à faire moi, de la reproduction des végétaux??!! Déjà que je maîtrise même pas la mienne de reproduction... Quoi mon lapin? C'est quoi ma reproduction?..."
J'ai faillit m"en étouffer ...
Mais franchement , c'est de la fausse modestie . Nous n'avons quand même pas le rôle le plus difficile dans la conception et l'éducation !!!
Nooon c'est magnifique! Ne touchez rien!
RépondreSupprimerGeargies.
Sur la photo, je trouve qu'elle ressemble à Damien... Je me fais des idées?
RépondreSupprimerXP : Oui, c'est le portrait de son père, tu as raison!
RépondreSupprimerMerci Geargies.
PDLL : Dans la conception peut-être pas, mais l'éducation si tout de même....
J’ignore QUAND vous avez trouvé le temps d’écrire ça entre deux "retards" ou week-ends "ordinaires" comme celui-ci… Fichtre ! Quel pavé ! Et je me permets d’ajouter : Quelle femme ! …
RépondreSupprimerGabrielle ressemble sûrement à son père puisque vous le dites… Mais si elle tient de sa mère, ce que je lui souhaite, il y a un quelque part un tout jeune mec qui aura intérêt à être à la hauteur !
Ah Plouc! La petite dernière de chez vous va bien ?
RépondreSupprimerBertille est craquante. Elle et moi avons fêté dans mes bras ses 24h pile !
RépondreSupprimerUn beau chant d'amour.
RépondreSupprimerJe remercie Dieu tous les jours d'avoir le même à la maison. Enfin, pas le même, mais un tout semblable ^^.
Nous avons beaucoup de chance.
Bonne Fête des Mères !
Oh que si! elle est craquante votre Gabrielle, un air de famille y a pas à dire. Quel regard posé et calme. Et la mère vitesse qui se dépense et qui se voudrait une pieuvre capable de tout accomplir avec ses huit bras et ventouses, mais elle n'a que deux bras et tant à faire. Tout se chamaille dans sa tête elle a tant à digérer, à écouter, à conduire la bétaillère à fond la caisse. Elle pense tout le temps à sa marmaille, réussiront-ils les examens ? Quel casse tête, puis à son mari, le père de famille qui la connaît sa crevette.
RépondreSupprimerEt en ce dimanche, trois jours plus tard, elle nous fait ce récit rocambolesque. Elle cartonne dans le mille. Je la lisais et j'étais à bout de souffle. Ah qu'elle est heureuse la mère, elle connaît et apprécie l'affection des siens et sa solicitude inaltérable pour chacun d'eux. Mine de rien elle n'est pas si distraite la crevette. Elle voit tout, sait tout et son amour explique ses attentions pour tous les siens. Parfois elle est inquiète, mais les fondations sont solides et nul ne la décevra. Ils grandissent les garçons, les filles aussi, mais ils savent qu'ils sont chéris et choyés. Votre famille est une Église qui prie. Voilà qui déroute ce monde agité qui a aboli Dieu. Or, chez vous de cette Église jaillissent la vie, la joie et la complicité. Oui, ça grouille. Pas beau tout ça ? Une famille qui prie est une famille unie. Quel beau témoignage de l'épouse pour celui qui la comble d'attention et ce père attentionné pour tout un chacun de la famille.
Charles
Très beau texte, et drôle avec ça ! Mais bon sang, rien que de le lire je me sens vanné…
RépondreSupprimer"Je ne comprendrai jamais les gens « calmes » du monde du travail, qui parlent lentement, qui ne font jamais un pas de côté, qui vivent entièrement tièdes et mi-cuit dans une vie quotidienne qui se répète."
RépondreSupprimerOh... ça peut être un masque, aussi, une manière de ne pas faire de vague afin de survivre. La vie d'entreprise c'est la jungle parfois, vous pouvez me croire, moi qui supporte une Grande Enseigne de Distribution de biens Culturels... (soupir)...
Sinon... spéciale dédicace à la Crevette : http://incarnation.blogspirit.com/archive/2011/06/03/women.html
Hu hu hu hu !