samedi 25 avril 2020

Samedi 25 Avril, Journal de Bord, une nouvelle assourdissante

Samedi 25 Avril

Ces jours-ci, j'ai continué à lire avec délectation les "Carnets d'un vaincu" de Nicolàs Gomez Davilà, et j'ai trouvé un aphorisme qui éclaire assez bien l'étonnante nouvelle que je suis obligée de vous murmurer car, même en la chuchotant, elle est propre à résonner. Du moins, c'est ainsi que nous l'avons perçue, avec mon mari, quand un de nos fils est venu très simplement nous annoncer qu'il rentrait au séminaire.

"La décision qui n'est pas un tant soit peu démente ne mérite pas le respect."

Nous avons pris avec beaucoup de sérieux et de respect cette bouleversante décision et, comme toujours, nous allons faire de notre mieux pour seconder ces prémisses de vocation.

Que dire après cette nouvelle qui me laisse sans voix. Que je le pressentais depuis longtemps? Non. Que je priais pour qu'un de mes enfants ait cette vocation? Mollement. Que c'est quelque chose qui nous dépasse absolument? Oui.

J'avais écrit ce poème, il y a longtemps, et peut-être sa dernière strophe trouve-t-elle une nouvelle lumière aujourd'hui avec cette vocation (même si tout chrétien peut la reprendre à son compte, prêtre ou pas).

 Prière

 Il est là, debout, appuyé contre un mur,
 Son odeur insoutenable l’encercle comme une armure,
 Un pantalon gris, en loques, couvre sa misère,
 Un sac en plastique, tous ses biens, par terre.

 Elle est, à genoux, dans ses bras enserrés
 Sa fille unique, le tremblement de terre
 Au matin, dans son école, l’a écrasée,
 Morte, broyée, dans les bras de la mère..

 Ils sont là, dans la boue, le désert, nus
 Ils n’ont plus rien : l’ouragan a tout dévasté
 Leur maison, leur terre, tout est figé
 Après la tempête. Ils ont tout perdu..

 Elle est là, Seigneur, l’humanité,
 Celle que tu as voulue, et créée.
 Comme des pantins disloqués
 Aux mains cruelles de la destinée.

 La révolte gronde, la haine s’épanche
 En un immense fleuve noir, brûlant
 Seigneur, il faut que tu te penches
 Pour emporter, de l’univers ardent
 Ceux qui brûlent et se noient
 Ceux qui pleurent et s’assoient,

 Ils n’ont pas vu ta Croix
 Tomber sur eux avec Toi.
 Ils restent en terre et ne se retournent pas
 Pour te prendre Seigneur et relever tout à la fois
 Pour te rependre, Seigneur, bien droit

 Ou t’emporter, Jésus, dans leurs bras
 Te soigner, te guérir, te consoler
 Enlever, la boue, la suie et la poussière
 Avec leurs mains, leurs gestes et leurs prières,
 Les corps brisés, les âmes noyées et submergées

 Tu es notre Berger, tu vas nous chercher
 Dans le fleuve, dans le noir, dans la nuit
 Tu es notre Berger, tu vas nous sauver
 Rassembler le troupeau de ceux qui fuient
 Affolés.

Et moi qui ai tout vu, tout observé
 A tes côtés, mon Dieu, je vais courir rattraper
 Les petits agneaux mais aussi les noirs béliers
 Te les remettre, ces âmes, à jamais.

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